Comme tout le monde, j'ai connu la littérature de London par des ouvrages adaptés aux jeunes lecteurs, notamment Croc-Blanc.
Devenu adulte, j'ai rencontré un auteur un peu différent en feuilletant Martin Eden et Les contes des mers du Sud, mais j'étais encore loin du compte.
Mon premier choc fut, vers la cinquantaine, la lecture de Le peuple des abîmes -traduit aussi par Le peuple d'en-bas-, une étude saisissante de la misère à Londres au début du XXème siècle. Rien, là, d'une plaisante aventure pour distraire le lecteur en herbe.
Mon second choc, à plus de soixante ans, je l'ai éprouvé en dévorant les pages de Le talon de fer, ce qui a dissous à jamais, dans mon esprit, l'image d'un romancier pour enfants et adolescents. J'ai, d'ailleurs, conservé une citation de ce texte, que j'aimerais, aujourd'hui, appliquer à notre cher Mr. T., le Ubu contemporain, qui, en dépit de ses nombreuses faillites, s'érige en roi de la finance universelle.
"En dehors du domaine commercial, ces gens-là sont stupides. Ils ne connaissent que les affaires. Ils ne comprennent ni le genre humain, ni le monde, et néanmoins ils se posent en arbitre du sort des millions d'affamés et de toutes les multitudes en bloc." Jack London, Le talon de fer
Du coup, je me suis offert une relecture de L'appel de la forêt, dans une édition intégrale et j'y ai trouvé toute la dureté impitoyable de notre monde. Certes, c'est enrobé dans un récit d'aventure, mais sans concession quant à la cruauté humaine.
Il y a un malentendu à considérer Jack London comme un écrivain pour ado ; je me demande s'il n'existe pas la même confusion à propos de Robert Louis Stevenson.