Amis sportifs, je suis le seul intellectuel 50% sportif;
amis intellectuels, je suis le seul sportif 50% intellectuel;
amis cons, allez surfer ailleurs;
amis, jeunes ou vieux, qui ne voulez pas mourir idiots, venez me rendre une petite visite de temps en temps.

vendredi 7 février 2025

DÉGONFLER LE MELON

     Parmi les écrivains, il en est dont l'orgueil suinte par tous les pores de la peau ; ils commencent par avoir les chevilles qui gonflent, puis, la vanité suivant un mouvement ascendant, ils finissent par avoir le melon. Si l'on peut comprendre cette hypertrophie autophile chez des célébrités comme Philippe Sollers (Dieu ait son âme), on peut s'étonner de celle d'auteurs bien plus obscurs (j'en fus le témoin sidéré).

    S'ils ne sont pas affligés, comme certains de mes confrères et moi-même, d'une tendance féroce à l'autodérision, les infatués risquent un éclatement du bulbe, particulièrement dangereux pour leurs thuriféraires qui bourdonnent et volètent dans leur aura. Dans un esprit à la fois charitable et œcuménique, je leur propose trois remèdes pour éviter cette explosion cérébrale.

    1- Le passe-livre : j'en ai visité un, dernièrement, à Colmars-les-Alpes, fort bien fourni, cimetière des éléphants d'une autre époque. Les "gros vendeurs" d'hier gisaient, éparpillés sur le sol, mordant la poussière : les Troyat, Sabatier, Denuzière, Des Cars... Cet édicule bourré d'ouvrages m'est apparu comme une sorte de purgatoire, lieu transitoire avant la disparition dans les limbes.

    2- La librairie d'occasion : hormis quelques recoins où, comme la laisse de mer, des bouquins ont échoué, pêle-mêle, déjà empoussiérés, c'est un espace où les exemplaires sont à peu près rangés. Ici demeure un reste de dignité, mais les couvertures gercées et le papier jauni trahissent le début de la déchéance, la glissade initiale dans la pente fatale de l'oubli. 

    3- Le catalogue de dernière page d'un livre déjà daté : c'est peut-être l'expérience la plus radicale. Elle éradique toute illusion. J'ai parfois épluché ces listes de quelques pages, sans trouver auteur que je connusse, moi qui ai quelques connaissances en littérature. Cinquante, cent écrivains parfois, dont je n'avais pas lu une traître ligne : espoirs de leur éditeur, vedettes en devenir, aujourd'hui cadavres décomposés, victimes de la broyeuse temporelle.

    Alors, chers confrères, faites comme moi : cueillez dès à présent les roses du lectorat, avec simplicité et reconnaissance. Déjà heureux d'avoir procuré quelque plaisir à d'honnêtes gens. Dites-vous bien que dans cinquante ans, presque toutes les gloires seront parties en fumée, que les jeunes gens du futur se jetteront sur vos livres comme je me jette sur le chansons de Rina Ketty.

    Avant de laisser le dernier mot à ma philosophe préférée (qui restera, elle, ne serait-ce que pour ses pleins et ses déliés), permettez-moi, amis Nobés, de donner la parole à Céline : "Invoquer la postérité, c'est faire un discours aux asticots."

      Allo! Non, mais allo, quoi !

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire