Amis sportifs, je suis le seul intellectuel 50% sportif;
amis intellectuels, je suis le seul sportif 50% intellectuel;
amis cons, allez surfer ailleurs;
amis, jeunes ou vieux, qui ne voulez pas mourir idiots, venez me rendre une petite visite de temps en temps.

vendredi 20 avril 2018

MÉDITATION OU IRRITATION

    Tous les matins je me le répète : n'ouvre pas ta radio ! Médite, assis en tailleur, dans les parfums d'encens et la musique de Ravi Shankar, plutôt que d'avaler, avec ton bol de thé, un saladier de nouvelles irritantes. Mais, bernique ! Mon doigt refuse de m'obéir et appuie sur la touche, libérant l'acide médiatique.
    Ce matin, je fus promptement puni de ma faiblesse et atteint de plein fouet par deux brèves à caractère irritant. Occasion de savourer toute l'amertume de mon énervement.
    Première pastille anti-calme : l'annonce d'une fédération française de foot virtuel : encore des gonzes qui vont demander à figurer aux jeux olympiques ! Déjà que -quoique pétanqueur occasionnel- je vois mal ce que vont faire les boulistes au milieu des décathloniens ou des kayakistes, alors les rois du pouce en folie...
    Deuxième pastille : TF1 demande à pouvoir diffuser trois coupures publicitaires pendant les films, au lieu de deux. Prêtez-moi une masse d'arme, un bazooka, une bombe à neutrons, que je taille en pièces toute cette valetaille mercantile, ventre-saint-gris ! Une coupure c'est insupportable, alors trois, c'est massacre à la tronçonneuse, charcutage cathodique, carpaccio de films et longs métrages en chiffonnade.
    J'ai la faiblesse de penser qu'un des plaisirs du film (ou du livre) c'est l'immersion : or une pub vous arrache la tête de l'eau au moment où vous contemplez les algues et les poissons. Même pour ceux qui enregistrent les films, le seul fait de devoir zapper est déjà un arrachement à la plongée douillette dans l'espace sidéral du cinéma.
    Dès demain, j'irai porter un cierge à Sainte Rita pour qu'on ne touche pas à notre télé du service public, dernier refuge gratuit de la diffusion sans rondelles.

jeudi 19 avril 2018

EXCÈS DE VITESSE

      Je viens de réaliser avec stupeur que je ponds mes infamies littéraires depuis plus de quatre ans : le premier article de ce blog date du 27 avril 2014 ! Comme quoi, on peut durer dans l'humour besogneux et la philosophie de pilier de bar...
    Pour fêter dignement cette performance inespérée, je me dois de vous asséner une de ces turlupinades intellectuelles qui laisseraient pantois les Finkielkraut et autres Onfray (d'ailleurs Onfray pas mieux).

    Quel germe diabolique a-t-il atteint les hommes dans le courant du 19ème siècle ?
     Celui de la vitesse, qui s'est porté instantanément au cerveau. Et, depuis lors, cette maladie mentale -que j'appellerai dromomanie- n'a cessé d'empirer ; elle pousse l'individu à tout évaluer selon le filtre de la vitesse et engendre chez lui une horreur de la lenteur. Des mots tels qu'attente, délai, patience, provoquent chez le malade des horripilations, allant même jusqu'aux convulsions.
    La vitesse étant addictive, le sujet atteint est en demande constante de nouveaux gains de temps et son affection finit par gangrener tous les aspects de sa vie. 
    Les transports, par exemple : dans le années 60 la dauphine de mon grand-père nous emmenait de Nice à l'Auvergne en deux jours ; aujourd'hui une grosse matinée suffit et nous avons l'impression de nous traîner. D'aucuns rêvent d'un train en tunnel sous vide (une sorte de suppositoire ferroviaire) qui mettrait Paris à moins d'une heure de Bayonne. Il s'appelle Hyperloop et s'il peut remplacer l'avion je suis preneur : ceci dit, mettre deux ou trois heures pour aller au bout du monde et constater que toutes les villes se ressemblent ou que les Chinois portent des Nike et du Tacchini, bof !
    Dans l'industrie, les robots finiront par permettre de produire nuit et jour, dimanche et férié pendant que nous regarderons d'un oeil attendri l'artisan qui confectionnera notre chaussure inusable et ressemelable à vie, en plusieurs heures.
    Dans le sport, on trouve une forme particulière de dromomanie : la recordite aigüe. S'il ne veut pas passer pour un ringard, l'athlète victorieux se doit de pulvériser les chronos, le nombre de victoires ou de titres. Ne parlons pas de ceux qui ont le mauvais goût de terminer quatrième ou cinquième d'une compétition mondiale : pour garder un semblant de dignité, ils devraient se faire hara-kiri sur le champ, ou sur la piste, ou sur le stade !
    Dans la communication le règne de la vitesse est absolu : tout ce qui la ralentit provoque des réactions hystériques ou violentes. Dire qu'à une époque Monsieur de la Popelinière s'esbaudissait de recevoir un pli contenant information en huit jours ; aujourd'hui, une minute et son descendant, le doigt sur sa tablette, atteint le seuil de l'intolérable.
    Quelle est la morale de l'histoire ? Bien que quelques trublions isolés fassent l'éloge de la lenteur, gageons que nous pousserons la dromomanie jusqu'à son point ultime, jusqu'au stade où nous irons tellement vite que tous les objets deviendront invisibles pour l'oeil humain. Il ne nous restera plus, alors, qu'à nous diluer dans l'espace-temps et à laisser les fourmis prendre en main le destin de la Terre.


lundi 16 avril 2018

DEUX PÉTALES D'AVRIL


   C'est fou comme mon bol de thé m'ouvre des mondes chaque matin : il suffit que je le contemple, comme un puits sans fond, et les idées viennent éclater comme des bulles à la surface d'un étang.

    Aujourd'hui, allez savoir pourquoi, j'ai pensé à mon nom ? Ce prénom et ce patronyme qui me définissent, que je n'ai pas choisis mais qui me font l'usage d'un bon vieux tricot, finalement à ma taille, rassurants et confortables.
     Si j'ai un reproche à faire à ce daniel et à ce mathieu c'est plutôt à propos des livres : déjà, se faire un nom dans la littérature est à peu près aussi facile que monter au sommet de l'Everest en tongs, mais s'y présenter sous celui de Daniel Mathieu... Qu'est-ce que je reproche à ces deux mots ? Il leur manque le petit éclat qui attire le chaland-lecteur. Je me fusse appelé Daniel Blas de Roblès ou Daniel d'Ormesson qu'une petite paillette de noblesse m'aurait fait scintiller. Et si j'étais né Daniel Chandernagor ou Daniel Houellebecq, j'aurais promené avec moi un léger halo exotique.
    Certes, je pourrais opter pour une version anglo-saxonne, mais je crains que le pseudonymat soit un peu comme un exil de soi-même. Dan Matthews, pourtant, est assez tentant...
    Après tout, qu'importe le nom con pourvu qu'on ait livre, Hesse*.

    Il arrive parfois qu'une photo me tire l'ire** : au petit déjeuner, bouffée de contrariété en regardant le dessin du projet Europacity. Au nord de Paris, sur 280 hectares de terre à blé, le groupe Auchan et un malin Chinois, veulent édifier un méga centre commercial et de loisir : tout ce que j'aime. J'aurais bien des arguments mais je voudrais rester calme ; il vous faudra donc attendre la sortie de mon livre L'écologie décomplexée pour les connaître.
 


*J'ai bien le droit de m'adresser à un autre auteur ! Herman Hesse, un très grand du 20ème siècle : essayez Le loup des steppes ou Narcisse et Golmund.
*Comme on dit à la Caisse d'épargne.


   

jeudi 12 avril 2018

FRANÇAIS, RÉAGISSEZ !

    Jésumarijosef, allez savoir pourquoi, l'émotion, parfois, vous étreint de façon incongrue : je mastiquai ma pomme matutinale lorsque mon esprit s'attrista à la pensée de trois grands frères disparus. Je ne peux m'empêcher d'imaginer ce qu'ils diraient devant les aberrations de notre monde. Vous me manquez, Albert (Camus), Pierre (Desproges) et Jean (Cabu). Et maintenant, Jacques (Higelin) vous a rejoints.
    Par exemple, quels-les lignes assassines, dessins corrosifs ou chansons poético-satiriques inventeriez-vous devant ce déferlement crétinoïde d'anglichonneries ?
    J'en suis arrivé à un tel degré de saturation que je suis prêt à en appeler à l'émeute, à l'insurrection, voire à la révolution. J'aimerais que l'on réintroduise le carcan et le pilori pour exposer les cuistres en place publique, en particulier les journalistes -surtout sportifs- et les publicitaires !
    Avez-vous honte de votre langue ou la maîtrisez-vous aussi peu qu'une phrase sur deux est émaillée de pitch, de followers qui likent à doigts raccourcis ? Les commentateurs sportifs vous assènent des coaches qui font du turn-over pour booster leur team. Et moi j'ai envie de sortir mon bazooka pour dézinguer toute cette race moutonnière qui croit pratiquer le "top" du langage contemporain.
    Mes poils se hérissent, mes yeux s'exorbitent et ma panse s'acidifie en oyant les vols low coast*, les open space ou les fashion week. Je frôle l'apoplexie quand j'esgourde que transposer les mots anglais constitue un Tchallenge...
    Même mon Télérama me trahit. Cette semaine, à la page 5, annonce pour les vêtements Gudrun Sjoden : "It's all about flowers". Trahison, infiltration, amertume et ignominie. L'ennemi langagier est parmi nous !
    Si seulement nos baragouineurs de frangliche domestiquaient la langue de Shakespeare : la charité chrétienne nous pousse à ne pas faire état de certaines entrevues (interview, mes fesses !) pitoyables et de prises de paroles hilarantes.
    D'aucuns diront que je radote -ils n'ont pas tort- mais je propose d'envoyer à tous les services concernés, des listes de propositions dès qu'un mot superfétatoire anglichon fait irruption dans notre quotidien. A vos plumes, à vos dicos ! Donnez libre court à votre imagination afin que l'entraîneur puisse requinquer son équipe en faisant tourner son effectif, palsembleu !
    Allez, je prends mon body-b... ma planche à glisser et je me casse.

*Pourquoi pas les vols éco ?

LES FRÈRES DE LA NUIT : PREMIÈRES PAGES


   


Les frères de la nuit

                         ( suite de Hier, la Terre )



Daniel MATHIEU
                                        






QUATRIÈME DE COUVERTURE


Chris Callard, astronaute dépité, après avoir laissé errer son vaisseau en zone inconnue, découvre une planète bleue. Il s’y pose, trouve un monde à la fois familier et étrange, se lie d’amitié avec Grattedevant, géant seigneur de la bastide de Bramadisse.
Pour « soigner » ce dernier ils vont se lancer dans une odyssée étonnante, accompagnés par un mystérieux et sympathique troisième homme, le Chemineur.
A leur retour, dix-huit mois plus tard, Grattedevant retrouve sa jeune femme, Callistéïa, et Chris se marie avec Ermeline -surnom L’Alouette- qu’il a tirée des griffes de trois brutes à la fin de leur périple.
Comme beaucoup d’humains, Chris et Grattedevant s’imaginent que le moment du repos est venu. Profonde erreur…









                                                        







Résumé du tome I, Hier, la Terre.

Christian Callard, 29 ans, dit Chris, Chryscalame ou Chrys, plutôt bien de sa personne quoique de volume modeste, est un astronaute chargé d’explorations lointaines. Après deux ans de vol solitaire, il arrive aux confins de sa zone de recherche et décide de ne pas revenir sur Terre.
Il laisse le vaisseau en pilotage automatique et part faire une sieste. Quand il se réveille, il découvre une planète avec mers et continent. Il décide de s’y poser.
          Rien de ce qu’il va trouver ne correspond à ce qu’il a pu lire ou étudier à la Space University : l’étrangeté  au milieu de ce qui paraît familier, l’amitié et l’amour dans un peuple qui lui est étranger, la violence dans les paysages paisibles…
Autres personnages.
Guillaume de Grattevent, dit Grattedevant, 31 ans, seigneur de Bramadisse, géant à la belle barbe sombre (plus de huit pieds pour 310 livres), devenu le meilleur ami de Chris.
Callistéïa, Callisté pour les intimes, 27 ans, femme de Grattedevant, grande, blonde et intelligente.
Ermeline, dite l’Alouette, 20 ans, montagnarde ardente et courageuse que Chris a sauvée, puis épousée. Belle brune.
Le Chemineur, 44 ans, né dans les montagnes, le plus grand voyageur de la planète. Aussi mystérieux que sympathique, il est l’ami de Chris et Grattedevant.
Polybios, dit l’Érémitique, qui vit dans une grotte protégée des curieux par des éboulis. Sa science des hommes et des plantes paraît sans limites. Il est en contact permanent avec Evester, le pythomante, qui guérit les maladies du corps et de l’esprit par le rêve.
Muss, le gerbinion, animal entre la grosse souris et le petit marsupial, attaché à Chris depuis que celui-ci l’a sauvé sur le plateau des Alizés.
Dans le château de Bramadisse vivent aussi :
Mange-Briques, le besticâtre, qui s’occupe surtout des chevaux.
Triquemenu, le veneur, et sa femme Lise. Il travaille souvent avec Mange-Briques.
Priape, le cuisinier, maître-queux,  et sa femme Marceline.
Sucebiou, le régisseur, et sa femme.
Coccinelle, serviteur et homme à tout faire.

Deux personnages incontournables :
Euthée, c’est-à-dire Dieu (autre nom Antinéos)
Bésébutte, à savoir le Diable (prononciation déformée de Belzébuth)

La planète : son nom courant est Kirthessème ; les plus savants l’appellent Théophanie.







CHAPITRE I


            - Tu sais, Guillaume, tu es une improbabilité vivante…       
            Grattedevant tourna la tête et observa Chris.
-Comment l’entends-tu ?
-Étant donné ton volume et ta densité de gigantopithèque, tes os devraient se briser régulièrement. Tu devrais être voûté, bancal, avec une voix d’âne qui braie sa misère.
-Ventre de biche, je me vois au regret d’être en si bonne santé ! Mais, toi-même, comment fais-tu pour t’accommoder d’une si modeste constitution ?
-Comme tout un chacun : j’ajuste mes pensées à ma taille et je considère le monde comme parfait du moment qu’il est à la hauteur de mes yeux !
-Chris, tu es surtout le plus impertinent philosophe que je connaisse.
-Philosophe insoupçonné, Guillaume ! Avant de méditer sur ta carcasse, je pensais à ma planète natale, quelque part si loin… ça valait le coup de faire tout ce chemin pour trouver amitié et amour. A ce propos, où sont les friandises de notre existence : Ermeline, ma perle,  et ton incomparable Callisté ?
-Parties herboriser, sur deux chevaux à cul de percheron !
-Bon, c’est mieux que de repriser des chaussettes… Mais revenons à l’affaire qui nous tient : à quoi te sert toute cette masse qui écrase tes genoux et tes pieds ? Regarde-moi… Je suis vif à courir après une balle, peu encombrant, un maximum de cerveau dans un corps qui se loge partout aisément… 
-Oui, sauf que pour porter pendant des mois un sac de dos plus lourd que toi il n’y avait que Grattedevant, messire le moineau !
-Sac de dos… Sais-tu que je pense souvent au Chemineur ?  J’aimerais qu’il soit là pour nous donner des nouvelles de ce monde, pour que nous nous chauffions à son étrange chaleur. Est-ce qu’il va apparaître d’un coup, secouer la poussière de ses habits et se mettre à nous parler comme si nous nous étions quittés hier, alors que voilà presque un an qu’il nous a abandonnés pour le mont Théoros ¤ ?
-Il viendra pour la naissance de mon premier enfant…
-Tiens ! Voilà une autre supériorité des gens de dimension modeste : leur appareil de reproduction -qui n’est pas à proportion, comme tu le sais- est bien plus efficace.
-Par les mille pustules de Bésébutte, messire Callard, d’où tiens-tu cette belle leçon ?
-A arbrisseau, bonne sève : je suis certain d’avoir fécondé Ermeline à la première escarmouche et si son ventre n’est pas encore arrondi, ça ne saurait tarder…
-Que nenni, mon bedon ! Arbre vigoureux donne jolis fruits. Tu seras toujours en train d’attendre la piqûre de moustique qui arrondira l’Alouette que Callistéïa s’épanouira en un embonpoint natifère.
-Ouais, pour accoucher d’une grande bringue blonde ou d’un futur monstre de trois cent vingt livres !
-C’est toujours mieux que de pondre un vilain petit pruneau qui, digne fils de son père Chris, braillera comme un usurier auquel on demande une remise de dette !
Ils se turent, ravis de cet assaut. Chris rompit le premier le silence.
-Tu vois, Guillaume, ce qu’il y a de bien dans l’amitié c’est qu’elle seule permet de se dire ce genre de délicatesses. Mais sois réaliste : la progéniture Callard aura la sagacité de son papa et l’œil vif et charmant de sa maman.
          Grattedevant marmonna.
-Hmmm… Ma Callisté, ma tendre pucette, mon beignet d’amour… Il n’y a jamais assez d’heures dans une journée pour que je puisse te picorer tout mon soûl !
L’un comme l’autre confit d’attendrissement à la pensée des jeunes femmes et silencieux, ils se dorèrent la carcasse au soleil de printemps, un livre en main, carrés dans les deux fauteuils qu’ils avaient traînés jusqu’à la terrasse du château. Muss, le gerbinion, était lové sur le ventre de son maître.
            Entre eux, une table rognon où les attendait une infusion de boutons de bigaradier, la boisson du bonheur qui accompagne les digestions, réprime les gaz intempestifs –les tempestifs, ou tempestueux, étant ramenés à la discrétion- et guérit la pécole*.
            Ils sirotèrent et lurent une petite heure, puis partirent chasser à l’arc.

 *Comme dit l’expression « la pécole… la peau du cul qui se décolle ».

*

A près de deux heures de cheval de Bramadisse, Ermeline et Callistéïa exploraient des broussailles. Déjà, les fontes de leurs chevaux débordaient de  végétaux et elles s’apprêtaient à partir quand Callistéïa remarqua un éclat fugitif dans un buisson.
Elle se précipita et, à quatre pattes, découvrit une sorte d’arbuste nain aux feuilles d’un vert laiteux, chargé de fruits orange qui brillaient comme des bijoux, de la taille et de la forme du plus petit piment.
Elle tendit ses doigts vers une de ces gousses lumineuses et la retira aussitôt sous le feu d’une piqûre.
Elle examina alors la plante, sans apercevoir d’épines ni de griffes, puis souleva les feuilles avec une branchette. Pas trace d’insecte, mais dès qu’elle approcha le bout de bois, des dards jaillirent de la tige.
-Ermeline, viens voir cela !
L’Alouette arriva. Dès que son amie approchait le bâtonnet, les aiguilles apparaissaient. Dès qu’elle l’éloignait, les pointes se rétractaient. L’Alouette n’en revenait pas.
-C’est la première fois que je vois une telle diablerie.
-Je vais la déterrer, sans me faire piquer, et la mettre dans un sac de jute ciré. Cet arbuste va être le trésor de notre plantarium.
Callistéïa examina sa main.
-Je n’ai même pas saigné, et je ne vois qu’un trou minuscule dans mon index.
L’Alouette inspecta le doigt à son tour.
-En tout cas, très défensif… Nous l’appellerons la plante-hérisson !
Une fois l’arbuste serré dans une fonte, elles piquèrent vers l’ouest, surexcitées à l’idée de replanter ce joyau végétal dans leur jardin-herbier, cet espace d’acclimatation que, malgré les sarcasmes de leurs hommes, elles cultivaient de main de maître. Et qui leur permettait toutes sortes d’observations et d’expériences.
Le soleil commençait à décliner quand elles purent arroser leur protégé aux fruits étincelants.
Elles étaient ravies, ignorantes du drame qui les menaçait.

*

Le lendemain matin Callistéïa dormit tard. Elle somnola une heure à l’après-diner et se coucha, le soir, la dernière bouchée avalée.
Le jour suivant, Grattedevant pensa ne pas arriver à la tirer du lit ; elle finit par descendre, pâteuse, pour le repas de midi et remonta dans sa chambre pour une longue sieste. Tous les gens du château commencèrent à s’inquiéter, d’autant que dans la soirée elle grignota à la hâte avant de disparaître vers l’étage supérieur et de se recoucher.
Le surlendemain Chris et l’Alouette furent arrachés au sommeil par la tambourinade de Grattedevant qui, tout en frappant leur porte, criait :
-Chris, Chris, viens vite ! Elle ne se réveille plus.

 ¤ Ce signe signifie : voir le tome I, Hier, la Terre.



Pour ceux que cette première lecture intrigue, vous pouvez me contacter à l'adresse mail danielmathieu8315@gmail.com ; les téméraires peuvent m'envoyer un chèque de 15 euros à l'adresse postale suivante :

 Daniel MATHIEU 
 La mandragore
 429, rue Gasquet
 83220 Le Pradet

mercredi 4 avril 2018

CONJUGAL EXTRA OU EXTRA-CONJUGAL

    Je préfère passer pour un père la pudeur, un prude sexagénaire, que cautionner un mode de comportement qui allie le cynisme à la vénalité. Certaines de mes connaissances s'étonneront : quoi, toi, au verbe gaillard et à la langue verte, toi, amateur de littérature libertine (du 18ème siècle principalement), de plastique féminine et de déduit amoureux, tu voudrais t'ériger en censeur des légèretés d'autrui ?
    Comprenez moi bien, je ne renie pas mes gentilles débauches, ni ma gynéphilie compulsive et encore moins mes fantasmes coquins, mais j'ai du mal à digérer deux pilules en matière d'érotiquerie : primo, le faux-culisme, la tartufferie, vous savez... bigot par devant et forniqueur par derrière (le moindre jeu de mots serait involontaire) ; secundo, toute forme de tromperie sur les sentiments.
    A ce stade de mon article vous pouvez légitimement vous demander où je veux en venir, et quelle est la cause de mon ire : en fait, tout à commencé par la vision, dans le métro, d'un affiche XXXL vantant les services d'un officine qui se targue d'organiser vos rencontres extra-conjugales. En fait, elle incitait le quidam -mâle ou femelle- à aller butiner d'autres calices que domestiques : que cela existe ne me hérisse pas les poils du dos et que cela se pratique, guère plus. C'est plutôt l'invitation à le faire sur le mode d'un innocent divertissement qui me turlupine. Beaucoup d'entre nous ont juré devant le maire et (ou) le curé fidélité à leur conjoint(e) : à moins de considérer que le respect d'une parole donnée ne vaut pas tripette, il est difficile de considérer l'incitation affichée à la tromperie comme un progrès de la civilisation ou un simple raffinement culturel.
    Je ne jetterai pas la première pierre à celui qui n'a pas su rester de marbre devant la tentation du fruit vicinal -nul n'est à l'abri- mais ça me défrise qu'on m'y pousse, qui plus est pour des raisons bassement commerciales. De là à nous laisser entendre que la fidélité dans le couple est démodée... Et la confiance, alors ?
    Par les testicules de Bélzébuth, que la chaude lance me titille si je n'abhorre les pisse-froid, les trique-menu et les coincés du radada, toutefois, ce n'est pas une raison pour oublier le sentiment et la dignité, verge de bouc* !


* Les lecteurs de mes romans auront reconnu l'un des jurons préférés de Grattedevant.