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jeudi 19 avril 2018

EXCÈS DE VITESSE

      Je viens de réaliser avec stupeur que je ponds mes infamies littéraires depuis plus de quatre ans : le premier article de ce blog date du 27 avril 2014 ! Comme quoi, on peut durer dans l'humour besogneux et la philosophie de pilier de bar...
    Pour fêter dignement cette performance inespérée, je me dois de vous asséner une de ces turlupinades intellectuelles qui laisseraient pantois les Finkielkraut et autres Onfray (d'ailleurs Onfray pas mieux).

    Quel germe diabolique a-t-il atteint les hommes dans le courant du 19ème siècle ?
     Celui de la vitesse, qui s'est porté instantanément au cerveau. Et, depuis lors, cette maladie mentale -que j'appellerai dromomanie- n'a cessé d'empirer ; elle pousse l'individu à tout évaluer selon le filtre de la vitesse et engendre chez lui une horreur de la lenteur. Des mots tels qu'attente, délai, patience, provoquent chez le malade des horripilations, allant même jusqu'aux convulsions.
    La vitesse étant addictive, le sujet atteint est en demande constante de nouveaux gains de temps et son affection finit par gangrener tous les aspects de sa vie. 
    Les transports, par exemple : dans le années 60 la dauphine de mon grand-père nous emmenait de Nice à l'Auvergne en deux jours ; aujourd'hui une grosse matinée suffit et nous avons l'impression de nous traîner. D'aucuns rêvent d'un train en tunnel sous vide (une sorte de suppositoire ferroviaire) qui mettrait Paris à moins d'une heure de Bayonne. Il s'appelle Hyperloop et s'il peut remplacer l'avion je suis preneur : ceci dit, mettre deux ou trois heures pour aller au bout du monde et constater que toutes les villes se ressemblent ou que les Chinois portent des Nike et du Tacchini, bof !
    Dans l'industrie, les robots finiront par permettre de produire nuit et jour, dimanche et férié pendant que nous regarderons d'un oeil attendri l'artisan qui confectionnera notre chaussure inusable et ressemelable à vie, en plusieurs heures.
    Dans le sport, on trouve une forme particulière de dromomanie : la recordite aigüe. S'il ne veut pas passer pour un ringard, l'athlète victorieux se doit de pulvériser les chronos, le nombre de victoires ou de titres. Ne parlons pas de ceux qui ont le mauvais goût de terminer quatrième ou cinquième d'une compétition mondiale : pour garder un semblant de dignité, ils devraient se faire hara-kiri sur le champ, ou sur la piste, ou sur le stade !
    Dans la communication le règne de la vitesse est absolu : tout ce qui la ralentit provoque des réactions hystériques ou violentes. Dire qu'à une époque Monsieur de la Popelinière s'esbaudissait de recevoir un pli contenant information en huit jours ; aujourd'hui, une minute et son descendant, le doigt sur sa tablette, atteint le seuil de l'intolérable.
    Quelle est la morale de l'histoire ? Bien que quelques trublions isolés fassent l'éloge de la lenteur, gageons que nous pousserons la dromomanie jusqu'à son point ultime, jusqu'au stade où nous irons tellement vite que tous les objets deviendront invisibles pour l'oeil humain. Il ne nous restera plus, alors, qu'à nous diluer dans l'espace-temps et à laisser les fourmis prendre en main le destin de la Terre.


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