Amis sportifs, je suis le seul intellectuel 50% sportif;
amis intellectuels, je suis le seul sportif 50% intellectuel;
amis cons, allez surfer ailleurs;
amis, jeunes ou vieux, qui ne voulez pas mourir idiots, venez me rendre une petite visite de temps en temps.

mardi 2 juin 2015

DÉVASTATION



DÉVASTATION




            Ce n’était qu’un tout petit rien. Un dimanche soir Claire, sa femme, est revenue d’un triathlon qu’elle avait terminé à la neuvième place, le dos cassé, les muscles courbaturés. Il l’a longuement massée avant qu’elle ne s’endorme.
            Le lendemain soir, comme elle souffrait toujours, il l’a de nouveau massée ; son corps musculeux et pourtant si harmonieux était très tendu, mais à force de brasser il l’a détendue, à l’exception des muscles lombaires. Le matin suivant la douleur s’était accrue et elle a  décidé d’aller voir son ostéopathe, lequel, intrigué de n’avoir pu la soulager, l’orienta vers un rhumatologue.
            C’est lui qui a demandé des examens. Chaque seconde du moment passé dans le cabinet du spécialiste est inscrite dans sa mémoire : les grandes enveloppes que le médecin s’était fait adresser directement, ouvertes sans déchirures ; son visage et son regard qu’il avait vidés de toute expression. Et lui, son effondrement intérieur quand il a fini par comprendre, ses coups d’œil, à la dérobée, à sa femme qui ne bougeait pas, même un cil.
            Comment avait-il pu rester là sans hurler ? Comment peut-on avaler une pareille nouvelle et comment peut-on la dire sans y glisser l’ombre d’un espoir, même s’il n’y en a aucun ?  
            Cancer des poumons et des reins ; espérance de vie, un an maximum.
            Il a résisté à l’envie de prendre la main de Claire : il se serait effondré. En sortant de la pièce il a eu un geste, mais elle lui a dit : « Attends ! »
            A la maison, elle s’est enfermée dans la chambre à coucher et il l’a entendue pleurer, longtemps. Enfin, elle est sortie, partie un moment dans la salle de bains avant de le rejoindre dans le salon, remaquillée, belle comme une brume d’été, désirable et fragile dans sa nuisette. Elle s’est couchée sur le divan, ses genoux à lui comme oreiller, puis a fermé les yeux tandis qu’il caressait ses cheveux blonds, son visage ; et alors, alors seulement, il s’est mis à pleurer, en silence, sans pouvoir s’arrêter.
            Claire avait abandonné son travail mais pas le sport ; les médicaments neutralisant les douleurs, elle avait continué à courir, à nager et à pédaler. Après avoir consulté plusieurs spécialistes, convaincue de ne pas s’en sortir, elle avait refusé tout traitement à l’exception des calmants.
            Il avait, quand elle était à la maison, une femme adorable, attentionnée, un instant séduisante, le suivant émouvante. Elle lui offrit des moments d’abandon et de délicatesse, jusqu’à un matin où elle partit avec sa combinaison, ses lunettes et ses palmes. Les plongeurs la retrouvèrent par six mètres de fond, très loin de la plage où était garée sa mini ; depuis, il a donné son matériel, sa voiture, mais il a conservé le petit sac étanche où elle gardait ses clés.
            Son dernier cadeau, involontaire, à la morgue pour l’identification : son corps ciselé, intact, à peine maigri, son visage lisse et serein. Il se souvient de son dernier baiser, avant qu’elle parte avec son sac de plongée sur l’épaule.
            Deux ans déjà. Il se demande souvent s’il aurait le courage de mourir avec cette élégance. Hormis le petit sac et quelques photos serrées dans son portefeuille, il a donné ou jeté tous les objets qu’elle avait laissés derrière elle ; c’étaient autant de mines prêtes à exploser, à le cribler de leurs éclats d’émotion et de peine. Aujourd’hui, il ne vit plus que dans son travail, la seule envie qui le tient encore debout. Il s’appelle Eric Edner.






CHAPITRE I



            Ce n’était qu’un tout petit rien, un point minuscule dans l’espace, une poussière dans le fouillis d’étoiles, mais Edner fut le premier à le remarquer.
            Il était presque minuit, ce soir du 16 juin 2051. Il aurait dû être à la maison mais même au bout de deux ans il avait encore du mal à supporter l’appartement vidé de la présence de Claire. Et puis il aimait bien l’atmosphère de l’observatoire à la nuit tombée, la compagnie de sa collègue Hélène Burns, un peu masculine, directe,  pète-sec, compétente et chaleureuse.
            La mort de Claire avait raréfié les amis, et comme Eric ne s’était pas senti de chercher une liaison sentimentale, Hélène était devenue une pierre dans son gué, un point d’ancrage face au vide de sa vie altérée, pas assez attirante pour troubler sa libido qu’il ne tenait pas à réveiller, mais suffisamment féminine et bienveillante pour lui fournir un peu de la chaleur qu’il ne trouvait plus à la maison. Il se fichait de savoir si elle avait un ami ou si elle était lesbienne. Il consommait l’humanité qui rayonnait d’elle et allait jusqu’à apprécier ses remarques tranchantes, ses recadrages, aussi vigoureux que sous-tendus d’aménité.
            L’équipe de l’observatoire étant réduite, leurs horaires se chevauchaient assez souvent ; quand elle n’était pas là il se résignait à rentrer, son service fini.
            Il y avait aussi Husky, l’électronicien, de son vrai nom Jack Hurt, auxquels ses cheveux prématurément gris et ses yeux bleus très clairs valaient ce sobriquet qu’il accueillait avec le détachement d’un philosophe pyrrhonien. Husky ne calait jamais devant une panne, pas plus qu’il ne riait, bien qu’il parsemât sa présence de petites vannes en chapelets.
            Hélène était une remarquable scrutatrice, pourtant Eric fut le premier à détecter l’infime corps céleste.
            Enfin… infime ce soir-là, car deux nuits après la première observation il fut assez visible pour permettre un cliché que Rick –personne ne l’appelait autrement- expédia à diverses autorités, réclamant la dénomination d’Ednéria pour son caillou, au cas où il se laisserait satelliser dans le système solaire. 
            Quelques temps plus tard, le 25 juin, sous les objectifs de tous les télescopes terriens, le corps céleste interrompit sa course à quelques encablures de la couronne de déchets et d’instruments spatiaux qui gravitait autour de la Terre.
            Les astronomes étaient dans un état de surexcitation fébrile et certains planifiaient déjà l’envoi de sondes exploratrices ; les politiques et les militaires étaient sur les dents, ni inspirés quant à une action, ni rassurés par les supputations scientifiques. Le reste de la population considérait l’évènement avec à peine plus de passion que toutes les fadaises quotidiennes que déversait sur eux le niagara médiatique.
            Un soir que Rick se noyait dans l’incertitude en observant les images satellite d’Ednéria et en écoutant les commentaires tranchants d’Hélène Burns, un homme en complet veston, taillé comme un orang-outan, débarqua dans leur salle.
            - M’sieur Edner ?
            - Oui, dit-il en faisant pivoter son fauteuil.
            - John Erdrich, agent  de liaison auprès du gouvernement.
            Chaque mot était prononcé avec  une sorte de lassitude désabusée et Rick, irrité, tenta une saillie.
            - Washington me demande ?
           - Nous ne sommes pas dans un téléfilm. Comme vous êtes le découvreur de ce caillou de merde, on vous accorde une certaine légitimité. Je viens donc à la pêche aux infos : comment vous vous êtes rendu compte du truc, les modifications que vous avez notées, votre analyse du machin…
            - Vous avez une formation scientifique ?
            - Pas que je sache…
          - C’est parfait pour ce que j’ai à vous dire : il y a deux anomalies liées à cet astéroïde qui peuvent inquiéter. D’abord, la découverte d’un nouveau corps céleste résulte en général d’un perfectionnement des instruments ; or là, mon bon vieux Hooker n’a bénéficié d’aucun changement depuis des années ; en fait, Ednéria s’est matérialisée d’un coup, sans qu’on l’ait vue arriver, alors que nos télescopes fouillent les étoiles bien au-delà de son point d’apparition.
            Ensuite, un aérolithe qui freine, comme une voiture à un feu rouge, à distance d’observation de la Terre, ça ne s’est jamais vu ; ce genre de monstre ça a une trajectoire, ça file ; ça ignore, ça frôle ou ça emboutit les obstacles sur son chemin, mais ça ne met pas le frein à main. Ca change tout juste de vitesse selon les atmosphères traversées.
            Alors ma conclusion est simple : si j’étais vous, j’enverrai une sonde voyageuse pour nous faire un joli film et, après étude du document, une deuxième sonde pour aller prélever des échantillons. Surtout, pas d’exploration humaine avant ces actions préalables.
            - Oh, vu les budgets, ça risque pas…
            - Voilà, monsieur Erdrich, tout ce que je peux vous dire.
            - Bien. Nous nous reverrons, monsieur Edner.
            L’orang-outan leur tourna le dos et s’en alla. Hélène Burns lui cria :
            - Et surtout, fermez les portes derrière vous !
            Comme il acquiesçait avec un grognement, Hélène ne put se retenir d’un commentaire.
            - Lui, c’est un malin qui joue à l’australopithèque. Il fait l’âne pour avoir du son !
*
            Dans une réunion extraordinaire du conseil restreint des Nations Unies les coups pleuvaient ; cette cellule était constituée, pour chaque délégation, du président ou son vice-président, du chef d’état-major et d’un ministre, finances ou budget. Etaient représentés par un de ces trios, les USA, la Grande-Bretagne, la Chine, la France, l’Allemagne, le Brésil, le Japon, l’Australie et la Russie. Etaient exclus tous ceux qui n’avaient pas les puissances économiques, politiques, militaires et spatiales. L’Inde protestait vigoureusement face à son exclusion.
          Epaulés par les britanniques, et le consentement muet des Chinois, les américains voulaient fourbir leurs missiles et pulvériser le caillou ; les autres étaient d’avis de diligenter une mission pour étudier Ednéria, les Russes et les Japonais rajoutant que, le corps céleste pouvant recéler des minerais précieux, mettre en poussière une telle opportunité témoignait d’un sens commercial émoussé.
            Au bout de trois heures d’emportements, de mauvaise foi, d’indignations et de menaces diverses, on créa une commission de surveillance internationale constituée de neuf membres –un par nation- et on mit en alerte maximum tous les observatoires et les armées.
            La commission de surveillance se réunit le 9 juillet et demanda les crédits pour une exploration avec prélèvements miniers, par sonde voyageuse. Il n’y eut pas d’autre réunion : les évènements de la nuit du 13 au 14 brouillèrent à ce point les cartes que le conseil restreint des Nations Unies reprit la main sans atermoiements.







CHAPITRE II




            Le 14 juillet, un peu avant une heure du matin, Rick Edner fut tiré du sommeil par une amie parisienne -il était français par sa mère- qui, à en croire le second plan sonore de sa conversation, commençait à fêter avec énergie l’anniversaire de la révolution. Rick était moins tonique car il s’était glissé dans les draps une quarantaine de minutes auparavant et se sentait comme un apnéiste des profondeurs qu’on arracherait à l’eau au milieu de sa descente.
            Mélanie était une fille sympathique qui l’hébergeait quand il venait à Paris, mais là, le cocktail de sa voix hystérique et de la cacophonie du fond ambiant lui vrillait les tempes, et une envie urgente de claquer son portable le submergea.
            Son réveil affichait une heure pile. Alors qu’il supputait les stratégies possibles pour rompre l’entretien, à une heure du matin affichée sur son radio réveil, la voix de Mélanie disparut puis, après un bref grésillement, un air de jazz  s’éleva de son portable. Au même instant son téléviseur et son écran d’ordinateur s’allumèrent, diffusant la même musique. En fait, dans tous les pays du monde, tous les appareils capables de recevoir et de transmettre un message venaient de se mettre en marche, sans sollicitation humaine.
          Enfin, au bout du premier refrain la voix d’Errol Garner s’éteignit, remplacée par une autre, au timbre étrange, qui entama un discours en italien.
            « Buongiorno a tutti ; mi chiamo Idoskor… » Rick qui, à la suite d’une lubie de sa mère, avait étudié l’italien et profité de deux mois de séjour d’immersion, put traduire, même linguistiquement rouillé et physiologiquement somnolent, grâce à la lenteur du phrasé.
            « Bonjour à tous, je m’appelle Idoskor, écrivain extra-terrestre, un des cinq responsables de notre expédition TERRE. L’astéroïde que vous voyez est en réalité notre vaisseau-base d’exploration. Ne tentez pas de manœuvre d’approche. Une communication comme celle-ci vous précisera demain, à la même heure, nos intentions : vous vous tiendrez prêts à écouter Disonkor, notre dignitaire, qui dirige la mission. Bonne nuit à tous. »
            Rick ne put s’empêcher de sourire à l’incongruité de la dernière phrase.

*

            Dans le bureau ovale de la Maison Blanche le général Lester, chef d’état-major, fulminait.
            - Qu’est-ce que c’est que ces foutaises… Je vais faire tracer l’appel et envoyer le connard qui a inventé cette plaisanterie dans une cellule capitonnée !
            - Mais, général, il parlait italien…
            - Alors, téléphonez au président Ranieri et dites-lui de se remuer pour trouver ce crétin !
            - Je ne vais pas appeler mon collègue italien, général (le président, abîmé dans ses réflexions depuis un moment, avait élevé la voix sans brutalité), parce que la prononciation n’avait rien de naturel et qu’aussi bien on doit ce discours à un Irlandais. Par contre, je veux d’ici six heures GMT l’identité de ce perturbateur et comment il a fait pour parasiter tous nos appareils. Messieurs, au travail !
            Quatre heures plus tard tous les responsables revinrent bredouilles, la mine dépitée. 
            Le président examina tous ces hommes de sous ses sourcils.
            - Messieurs, je vous écoute, et ne m’amenez pas à penser que tout l’argent que vos administrations dévorent représente un investissement improductif.
            Le visage pâle, le patron de la NSA s’avança.
            - Monsieur le président…
            - A l’essentiel, Humphrey, à l’essentiel !
          - Bien. Nous sommes certains que l’homme qui parlait n’est pas italien ; nos linguistes sont formels : la langue est grammaticalement parfaite, la prononciation impeccable, mais aucun Italien n’aurait discouru avec un phrasé aussi lent, et ses accents toniques avaient quelque chose de mécanique.
            - Donc vous ne pouvez même pas déterminer l’origine de notre orateur… Et le traçage de cet appel ?
            - Nos meilleurs appareils n’étaient pas en fonction ; nous n’avons aucun indice précis car ceux qui marchaient ont été comme brouillés. Nos électroniciens admettent que rien n’est impossible techniquement mais ne comprennent pas comment ce type a pu investir tous les réseaux, partout dans le monde.
            - Nous avons nous-mêmes tissé la toile qu’il a empruntée… Bon, à présent je sais que nous ne savons rien… Et la piste extra-terrestre, puisqu’il se prétend tel ? Général Lester…
            - Foutaises. Nous sommes persuadés qu’il s’agit d’un pirate, d’un de ces petits génies qui se croient malins en bidouillant des conneries et qui démolissent le travail des gens sérieux. Il n’y a pas plus d’extra-terrestres sur ce foutu caillou que de vaseline sur mon cul ! Dans l’hypothèse où ce rigolo tiendrait sa parole, demain à une heure du matin tous nos moyens de repérage seront en éveil ; des satellites seront redéployés et des avions radars spéciaux patrouilleront dans la haute atmosphère. Monsieur, nous le prendrons par les couilles et nous lui feront regretter sa petite plaisanterie !
            - Petite…
            Le président gardait un flegme ironique tandis que les deux patrons de la CIA et de la NSA se bidonnaient en douce.
            - …que de vaseline sur mon cul : mortel !
            - Il paraît que c’est un très bon chef, compétent et plutôt intelligent.
        - Alors pourquoi s’ingénie-t-il à parler comme un sergent instructeur des Marines ?
            - Je ne sais pas, un besoin d’image, un complexe à combattre… va savoir.
            En se levant le président interrompit tous les chuchotements.
            - Comme aucune piste n’est avérée, autant attendre ce supposé appel de la nuit prochaine ; malgré tout, je veux que d’ici là vous m’envoyiez deux sondes vers la face cachée de ce vaisseau-astéroïde, histoire d’avoir un os à ronger. Selon la réalité de l’appel et son contenu, je convoquerai la cellule d’urgence. Messieurs… 

*

            En réalité, ce furent cinq sondes qui se dirigèrent vers Ednéria dans la mesure où les Chinois, les Européens et les Russes furent tout autant titillés de curiosité que le président américain.
            Donc, et dans un ordre relatif, les cinq engins atteignirent l’astéroïde et, chacun son tour, cessèrent d’émettre, sans même réapparaître à la fin de leur demi-orbite autour du côté sombre d’Ednéria, comme si elles s’étaient volatilisées.
            Du coup, dans les pays concernés par ces initiatives, on attendit le futur message avec un fond d’anxiété.
            Le 15 juillet à une heure du matin Rick était de service à l’observatoire, maintenu parfaitement éveillé par une série de cafés et l’excitation dans les paroles d’Hélène Burns commentant sans s’épuiser la disparition des sondes américaines. Son flot s’arrêta net à l’instant où tous les écrans d’ordinateur, tout ce qui pouvait diffuser une image, après un bref décrochage, affichèrent une silhouette en plan braguette dont la définition se précisa en quelques secondes.
            C’était un homme au très long buste, habillé d’un vêtement gris bleu indéfinissable. Son visage frappait : beau quoique de proportions inhabituelles ; le teint brun mauve comme certaines améthystes ; les yeux, aux paupières très foncées, animés par un iris ovale, sans pupille apparente, d’une nuance proche de celle du visage et parcouru d’une ombre dorée.
            « Sono Disenkor… » et cet italien qui manquait de timbre s’éleva de tous les écrans, de tous les téléphones, des tous les micros, de toutes les ferrailles qui pouvaient faire antenne. Pas un seul habitant de  la Terre ne dormait ; il était impossible d’échapper à la voix nette mais atone. Hormis en Italie, les traducteurs, humains et artificiels, s’activaient.
            « … je suis le chef de l’expédition TERRE. Sachez que nos intentions ne sont ni pacifiques, ni belliqueuses. Notre planète d’origine, bien trop éloignée pour que vous puissiez la localiser avec vos instruments grossiers, porte un nom que vous jugeriez imprononçable et que nous simplifierons en Kor. La planète Kor, donc, est dix fois plus petite que la Terre et, malheureusement, en grande partie stérile. Les paysages sont désertiques et plats, à l’exception d’une zone de reliefs de mille kilomètres carrés où sont concentrés tous les végétaux ; c’est un sanctuaire que seuls quelques gardes ont le droit d’arpenter. Pour tous les autres Koriens quatre observatoires ont été aménagés en limite du parc. Chacun de nous voue à la Nature une passion telle qu’il accepte de n’accéder à ces belvédères que sur liste d’attente.
            Le jour où nos ingénieurs physiciens ont résolu le problème du déplacement instantané, nous avons commencé une exploration systématique de l’univers à la recherche d’une planète végétalisée.
            Il y a sept ans nous avons découvert la Terre ; depuis, il nous a fallu le temps de vous observer, de vous étudier et d’élaborer notre projet : à présent nous sommes là, décidés à faire de cette planète notre paradis de verdure.
             Notre rôle est d’installer ce projet, selon des modalités dont nous traiterons dans la salle d’apparat du palazzo Pubblico à Sienne, le 20 juillet à une heure du matin, avec le plus haut représentant de chacun des pays suivants : Bhoutan, Italie, France, Papouasie, Tibet, Tanzanie, Nauru, Zaïre, Tonga, Nunavut, Oman, Brésil, Argentine, Egypte, Allemagne, Iran, Canada, Australie, Nouvelle-Zélande, Inde, Japon, Russie, Angleterre, USA et Chine. A l’exception de toute autre personne. 
            Notre délégation sera composée des cinq responsables de la mission ; notre vaisseau se posera sur la Piazza del Campo que vous aurez rendue déserte avant notre arrivée. »
            La communication fut interrompue là, sans formule de politesse et tous les écrans du monde retrouvèrent leurs représentations ordinaires.
            Dans les minutes qui suivirent la fin de cette allocution, la cellule de crise se réunissait à la Maison blanche. Une barre soucieuse plissait le front du président.
            - Alors, messieurs, s’agit-il encore d’un canular ? Qu’est-ce que vos appareils espions ont à nous dire ?
            Le patron de la NSA intervint.
            - Nos spécialistes sont formels : les émissions venaient de ce caillou à moins, hypothèse de certains, qu’un pirate ait utilisé des satellites orbitant à proximité. Un dernier a proposé que, dans la mesure où nous ne connaissons pas les caractéristiques minérales de l’astéroïde, le pirate l’ait employé comme une sorte de réflecteur des communications…
            - Bien, et vous général Lester ?
           - Notre étude des ondes corrobore les résultats de la NSA ; à titre personnel je continue à croire à une mystification d’un connard de génie et je pense que nous devrions envoyer quelques missiles pour réduire en miettes ce foutu caillou : ce serait déjà un problème de réglé.
            - J’enregistre la proposition, général ; dans l’immédiat je vais me contenter de préparer un voyage à Sienne. S’il s’agit d’une farce je ferai un peu de tourisme ; dans le cas contraire, nous verrons.
           
            Les journalistes étaient sur les dents, surmenés par la gestion de ce buzz du siècle ; le plus surprenant pour eux était l’absence de panique dans les populations. Certes, de nombreux citoyens, à l’image du général Lester, croyaient dur comme fer à une plaisanterie d’une sorte d’Orson Welles de la télétransmission, mais même ceux qui avaient un doute continuaient à vivre sans broncher, soit qu’ils étaient incapables de s’extraire des obligations du quotidien, soit qu’ils étaient suffisamment philosophes pour réaliser que s’ils devaient un jour être écrasés, que ce fût  à la maison ou dans un abri supposé ne faisait aucune différence.
            Le discours du Korien n’entraîna que de rares effets collatéraux : apparition de clubs et de sectes des Amis de la planète Kor ; des petits malins qui lancèrent des start-up d’abris anti extra-terrestres ; quelques dépressifs qui saisirent le prétexte d’une invasion pour un suicide anticipé. 
            Quand l’horloge de la basilique San Domenico sonna une heure, le monde presque entier était éveillé ; la plazza del Campo avait été désertifiée et les représentants des vingt-cinq pays attendaient, assis dans la grande salle du palais, se demandant dans quelles proportions ils allaient se rendre ridicules. Car depuis le début de la nuit, tout ce que la Terre comptait d’instruments de repérage et d’observation étaient tournés vers Ednéria, sans avoir perçu le moindre mouvement, le plus infime indice d’un déplacement dans l’espace.







CHAPITRE III





            Et pourtant, à l’heure exacte, un appareil qui n’avait rien d’extraordinaire, quelque chose comme un northrop B2 spirit gris clair, se matérialisa au-dessus de la place vide avant d’atterrir dans un bruit feutré.
            Les yeux du monde s’écarquillèrent : une porte latérale s’abaissa pour devenir une banale rampe et, presque aussitôt, cinq silhouettes apparurent, marchant vers l’unique huissier –italien- qui avait été autorisé à pénétrer l’aire  d’atterrissage pour accueillir, puis conduire les Koriens. 
            Ce qui frappa d’emblée : leur taille, plutôt homogène, pas en dessous de deux mètres ; la sobriété de leurs vêtements d’un gris satiné, sans boutons ni fermetures apparents, qui les habillaient comme une peau.
            Pour le reste, les éclairages, par une sorte de scrupule de courtoisie,  ayant été diminués, il était difficile de se faire une opinion : deux bras, deux jambes, un bassin peu prononcé, presque des corps du modèle grec ancien. 
            L’huissier les accompagna, à travers un itinéraire vidé de toute présence humaine, jusqu’à la grande salle du palais. Les chefs d’Etat se levèrent à leur entrée mais restèrent paralysés près de leur chaise, les cinq géants ignorant ostensiblement toute manifestation de civilité.
            Quand ils furent assis, Disonkor, le chef de la délégation,  posa à sa gauche un appareil, de la taille et de la forme d’un demi-pamplemousse. Le président français ne put retenir une question.
            - Monsieur…
            Disonkor le fixa, comme on regarde un serveur dans un restaurant chic ; bien que déstabilisé le Français continua.
            - Monsieur, pouvez-vous nous dire la destination de l’objet que vous venez de poser sur la table ?
         - Oui, mais ce sera la seule question que je tolèrerai pour l’instant. Il va transmettre tout ce qui se dira ici à chaque habitant de la planète.
            Déjà les représentants américain, russe et chinois s’apprêtaient à protester : un geste de la main, tranchant comme un coup de faux, et l’étrange regard jaune-violet les en dissuadèrent.
            - A présent, je vais vous présenter notre délégation : Alisonkor, notre grand sage ; Elotikor, notre ingénieur…
            Tous les regards s’échouèrent sur sa beauté comme sur un récif ; c’était une femme, sidérante ; le Français et l’Italien étaient comme hypnotisés par le volume de sa poitrine.
            - … Eterikor, notre écologiste ; Idoskor, notre écrivain, auquel vous devez le premier message. Je suis Disonkor, chef de cette mission : il me revient donc de vous expliquer les termes de notre projet et de fixer les limites de vos prérogatives.
            L’Américain, le Russe et le Chinois roulaient des yeux de furie.
            - En fait, nous avions prévu de vous contacter d’ici deux ans, mais les dégâts accélérés que vous faites subir à notre future villégiature nous ont contraint à anticiper cette expédition.
            Notre facilité de déplacement fait de votre planète un lieu très accessible ; ses reliefs, sa végétation, ses paysages en font une destination recherchée. Nous allons donc prendre nos dispositions pour que les Koriens puissent venir sur la Terre, jouir de cette Nature qu’ils vénèrent et qui leur fait tant défaut… au prix de quelques aménagements.
            Nous allons entamer une phase de concertation au cours de laquelle chaque membre de notre délégation vous entendra : dans six mois maximum nous passerons à la phase de réalisation.
            Maintenant, je vais écouter vos questions ; chacun d’entre vous n’aura droit qu’à une seule, à mon initiative. Représentant du Bhoutan pour commencer…  
       
            L’Américain, le Russe et le Chinois pâlirent de rage.
            - Monsieur Disonkor…
            - Monsieur suffira.
        - Oui … Vous nous avez présenté monsieur Eterikor comme écologiste ; donnez-vous à ce mot les mêmes sens que sur Terre ?
            - Non. Il ne désigne qu’un spécialiste des milieux naturels, chez nous la science supérieure. Italie…
           - Monsieur, pourquoi avez-vous choisi ma langue pour communiquer, plutôt que l’anglais ou l’espagnol ?
          - Par pur souci sonore et culturel ; je compte d’ailleurs m’installer en Italie. France…
            - Comment avez-vous prévu d’organiser la phase de négociation ? Et avec qui ?
         - Chacun de nous chapeautera un continent : Alisonkor l’Océanie ; Elotikor l’Amérique ; Eterikor l’Asie ; Idoskor, l’Afrique et le Moyen-Orient ; moi, l’Europe. Dans ces blocs nous avons choisi selon nos critères cinq pays qui nous proposeront vingt représentants : nous sélectionnerons cinq d’entre eux. Il y aura donc vingt-cinq délégués par groupe de négociation, qui seront les interlocuteurs exclusifs de leur Korien de référence. Papouasie…
            A cet instant, l’Américain était cramoisi de colère et de frustration, le Chinois roulait des yeux furibonds, le Russe rongeait ses ongles pour s’empêcher de hurler, ou de taper sur la table avec sa chaussure comme un Kroutchev. Ils durent attendre l’intervention du Zaïre, de la Tanzanie, de Nauru et du Nunavut avant que Disonkor ne leur concède la parole.
            Pendant ce temps sur la plazza del Campo ne restaient que quelques carabinieri et les journalistes missionnés par leur radio, leur chaîne TV ou leur feuille de chou. De nombreux paparazzi et autant de curieux avaient déserté les lieux, lassés de contempler l’aéronef immobile et la place vide. Ceux qui étaient encore là tuaient le temps en fumant ou en débouchant des thermos de café ristretto.
            Personne n’avait accordé d’attention à un homme qui venait, dans l’ombre d’un redan, d’arracher tous ses vêtements. Bousculant deux carabiniers avant de sauter au-dessus d’une balustrade métallique, il se mit  à courir sur la place tandis que journalistes, photographes et cameramen lâchaient cigarettes et cafés  pour saisir l’évènement. 
            L’exhibitionniste trottait en faisant l’avion alors que quelques policiers commençaient à investir l’espace. Ils ne purent rien faire. L’homme sprinta vers le vaisseau korien et la dernière image qu’on capta de lui fut celle d’un trentenaire, mince et musclé, aux cheveux bruns bouclés en bataille, le sexe bringuebalant. A l’instant où il toucha la carlingue il se désintégra : il ne restait de lui qu’un cône de sable gris.
            Dans la grande salle du palazzo Pubblico Disonkor donnait enfin la parole aux Américains.
            - USA …
            - Monsieur, je tiens à protester…
           - Une protestation n’est pas une interrogation ; c’est une perte de temps. Votre question ?
            Le traducteur lui ayant restitué dans l’oreillette tout le dédain de l’interruption korienne, le président américain avala péniblement l’humiliation subie devant des milliards de Terriens et s’efforça de maîtriser sa voix.
            - Si une nation, parce qu’elle désapprouve vos procédés et vos projets, s’estime légitime à une riposte par la force, comment réagiriez-vous ?
          - Vu l’état primitif de vos armes de dissuasion, à votre place je n’essaierais même pas de froncer les sourcils ; comprenez bien que nous ne tolèrerons aucune manifestation d’agressivité. Chine…
            Quelque part satisfait de la honte infligée à l’américain, le président chinois avait retrouvé des couleurs et parla dans le micro labial pour la translation…
            - Envisagez-vous d’établir des rapports commerciaux avec certaines nations ?
         - Si vous entendez par là une forme de commerce qui vous rapporterait de l’argent, c’est non. Je parlerais plutôt d’échange de services, avec un logique déséquilibre, vu l’arriération de votre civilisation. Russie…
            - Monsieur, les Koriens auraient-ils en tête de sanctuariser certaines régions et, à la limite, d’en réclamer la propriété ?
           - Votre question sera un des objets de la concertation : elle est donc hors de saison… Messieurs, notre temps est précieux. Vous trouverez la liste des pays choisis pour constituer les blocs relationnels continentaux sur vos ordinateurs personnels : vous nous soumettrez votre sélection des  vingt candidats à la délégation dans les vingt-quatre heures. Une journée de plus et vous aurez notre réponse ; aucune contestation ne sera possible. Au revoir.
            Cet  arrivederci  -seul instant de courtoisie que s’accorda le chef korien- flottait encore dans l’air que les cinq immenses silhouettes disparaissaient déjà par la porte principale. Les Terriens arrachèrent  leur COMHP (complexe oreillette-micro-haut-parleur) et, cherchant les confrères qui parleraient leur langue, se mirent à jacasser en désordre, évacuant leur trop-plein émotif.

*

            Humphrey, le patron de la NSA, n’avait jamais vu le président dans un tel état ; congestionné, transpirant, un peu débraillé, hurlant.
           - Il m’a traité comme une merde ! Humilié devant neuf milliards de personnes… ma voix remplacée par celle d’un traducteur de cette langue de saltimbanques… Putain d’enfoirés d’extra-terrestres ! Moi, le président de la première puissance mondiale, j’ai dû attendre que les Esquimaux et les Papous posent leur question avant de pouvoir placer la mienne. Merde ! Pour qui se prennent-ils, ces Koriens ? Ils vont me le payer : je leur ferai bouffer leur arrogance !! Général Lester, bordel, qu’est-ce que vous proposez ?
            Le gradé nota avec satisfaction que son président venait de se révéler capable d’adopter le langage viril des hommes d’action.
            - Monsieur le président, j’ai huit missiles dans le désert de l’Arizona pointés vers ce caillou de merde et prêts à en faire des confettis. Ils n’attendent que votre ordre….
            - Et vous Jenkins, vous ne dites rien ?
            Le ministre des Affaires étrangères leva un sourcil.
            - Monsieur, je n’avais encore jamais vu un entretien aussi unilatéral et aussi peu courtois, mais de là à déclencher les hostilités… Nous ne connaissons pas les forces des Koriens, les dégâts qu’ils peuvent nous infliger ; cependant, il est certain que leurs intentions, clairement exprimées, annoncent de graves préjudices pour notre nation. Il est impossible de ne pas réagir…
            - Continuez, Jenkins, continuez.
           - Si nous ne marquons pas le coup, nous serons la risée du monde ; une frappe de représailles risque d’être sans effets et de nous valoir une riposte sévère : je crains qu’il faille suivre le général… Un seul point m’inquiète : si leur vaisseau a échappé à tous nos appareils de repérage, à l’aller comme au retour, ils ont sans doute les moyens de détecter nos missiles, et peut-être de les neutraliser…
            Le directeur de la NSA intervint. 
          
- Et si nous leur envoyions des leurres ? Trois tirs, un frontal et deux latéraux pour capter leur attention pendant que les huit vrais meurtriers, inscrits dans une trajectoire boomerang qui dépasserait l’axe du caillou, viendraient les frapper par l’arrière au moment où ils s’occuperaient des autres.
- Pas mal, admit le général, mais je ne dispose que de seize missiles stratosphériques, dont huit de grande puissance ; il m’en faudrait le double pour mettre ces Koriens dans la trappe.
- D’autres pays possèdent des armes équivalentes ?
- La Chine et la Russie, monsieur ; je sens bien les Chinois sur ce coup-là.
- Bien, général, j’en fais mon affaire.
La mise en place de la vidéocommunication ne prit que quelques minutes. Les deux présidents et les deux chefs d’armée se retrouvèrent face à face. Ulcérés par la morgue des Koriens et sans inquiétude puisque les frappes ne visaient que les extra-terrestres, les asiatiques ne se firent pas prier longtemps et une demi-heure plus tard les deux états-majors planifiaient l’opération Edneria : à neuf heures GMT la Chine expédierait seize missiles vers l’astéroïde-vaisseau, huit vers le flanc est, huit vers la face sud. Pour leur part les USA propulseraient seize scuds-S, huit vers le côté ouest et huit –les plus puissants- dans une trajectoire en ellipse qui viendrait percuter Ednéria au nord-ouest.

PUBLICITOSE

    Jésumarijosef, non contents de polluer ma radio, de souiller mes journaux et revues, d'étouper ma boîte aux lettres, d'affliger ma télévision, les publicitaires envahissent ma page fessebouque. Ventre de biche et couille de loup !
    Ce matin, revenu d'un week-end de bon aloi, sans téléphone ni internet, je pars comme un béotien à la pêche des petites nouvelles de mes amis fessebouquineurs et... l'ire me prend (et même sauvagement) : les quelques messages de mes compagnons nétiques (moi, je suis plutôt né gosse) sont noyés dans un magma de sollicitations cérébrocides. Évidemment, je ne consomme pas ces pastilles mercantiles, mais le mal est fait et un nuage de corrosion intellectuelle se répand dans la pièce.
    Quel esprit, même bétonné par la lecture quotidienne de trois pages de Camus, pourrait résister à ceci :  Capitaine Crédit me propose un taux de 2,70 % ; John Lennon a partagé un lien (le retour des morts-vivants, j'ai les chocottes) ; All inclusive en Ardèche, 53% de réduction (et le français, c'est fait pour les chiens, je t'en mettrai des allinclusive !) ; Beauty within m'allèche avec des compléments pour prendre des muscles à un âge avancé (et prendre de l'âge avec des muscles avancés ?) ; Belambra me demande si j'ai envie d'un break (mais je préfère une pause à un break).
    A cet instant, je connais un bref instant de détente car mon cerveau se met à folâtrer : Belambra...de chemise, Bel ambré ou des vacances bien bronzé, Bel hombre dans notre club en Espagne.
    Mais une vague de jobastronneries buzzfiliennes* me frappe de plein fouet : " les onychopages -un jeu de mots me démange- sont des gens parfaits...à 57 ans il tient 5 h. pendant un concours de gainage...les tweets de Jeanne d'Arc...il utilise le test de grossesse de sa copine...elle poste des photos de son corps pas épilé...deux semaines de prison pour des ébats érotiques hyperdécibéliques". La vague est passée ; j'essuie quelques gouttes de connerie sur mon visage et me crois sauvé !
    C'est alors qu'une déferlante perfide vient frapper ma nuque : Quel âge a ton cerveau ? Cette fois-ci je suis KO debout et un dernier crachat d'écume publicitaire vient me porter l'estocade : comment supprimer les acrochordons. Dans un soubresaut d'agonie je tente quelques piètres ludonymes (accrochons d'or, accroche hors dons, à chauds cordons,...) avant de saisir mon morey et de me casser en quête de lames plus liquides et moins nocives. DMOS

*Ne me dites pas que vous ne recevez pas les informations cruciales dispensées par Buzzfil !
   

mardi 19 mai 2015

DEUX FLEURS DU PRINTEMPS

    Jésumarijosef, aujourd'hui j'ai trempé ma plume dans le miel ; dans la rue j'ai trouvé toutes les femmes belles (enfin, certaines plus belles que d'autres), les hommes sympathiques et le fond de l'air suave ! Il faut dire...
    Ce matin deux nouvelles sont venues caresser mon oreille et depuis la vie m'est douce comme un loukoum.
    Cela a commencé par les ventes en hausse dans les librairies sauf -bigarreau sur le gâteau- pour Ah, ma zone!, qui a connu une réconfortante stagnation. A ce stade j'ai ressenti les premiers chatouillements d'une intense jubilation.
    A peine plus tard, seconde bouffée de bonheur : chiffre d'affaires en baisse pour Ma queue d'os  qui s'apprête à fermer 700 de ses garg...restaurants. Là, j'ai mis un frein aux prémices de mon épectase, histoire de ne pas passer l'arme à gauche en un moment aussi rare.
    Allez, je ne prends pas mon morey (samedi matin j'ai assez taquiné mon arthrose sur les vagues) mais je me casse, histoire de transmettre les bonnes nouvelles à quelques copains. DMOS

dimanche 17 mai 2015

L'HOMME A TÊTE DE CHIOTTE

    Ce dessin de Lucile Auvray-Dragacci, qui vous est familier, sera l'élément principal dans la couverture de mon livre internet gratuit MA GUEULE OUVERTE.
    Normalement, vous pourrez le lire sur internet à partir du 22 mai 18h.30 ! Outre ce dessin, vous y retrouverez quelques articles de mon blog, mais la presque totalité du texte est composée d'inédits.
    Je sais que je suis encore tout petit ; seuls vous, mes petits vampires, et tous mes lecteurs pouvez me permettre de grandir, sachant que je veux juste faire bouger les lignes.
   La notoriété, le yacht à Saint-Tropez, le mérite agricole, je laisse cela aux autres, sans regrets. Toute mon énergie je la tire de trois volontés : exprimer mon amour de la Terre et l'erreur que nous commettons en pensant vivre en dépit d'elle ; introduire un peu d'air frais dans le monde du livre et notamment le droit au nomadisme littéraire, au mélange des genres ; transmettre mes convictions en passant par la dérision constructive (je tiens à cette expression).
    Mon ambition est disproportionnée au vu de ma surface médiatique ? On verra bien : il faut commencer par combattre, même si l'échec ne peut être exclu.
    Alors je compte sur vous pour diffuser mon mauvais esprit ; je suis pugnace mais pas haineux, bienveillant mais pas gentil, et je n'arrive toujours pas à comprendre pourquoi ce monde -qui est un vrai cadeau- survit dans autant de souffrances.
    Je crains d'être encore révolté à l'instant de mon dernier souffle ! Souhaitez-moi juste de ne jamais céder aux sirènes du conformisme, à la tentation du narcissisme et à l'influence pernicieuse de la crétinisation programmée.
    A vendredi 22 mai, mes chers petits vampires.
 


jeudi 14 mai 2015

GABRIEL CHEVALLIER

     Voilà un de ces auteurs, bon stylistes, qui risquent de disparaître au cours du siècle. Je n'en suis pas un spécialiste mais les trois de ces ouvrages que j'ai lus sont recommandables et un en particulier mériterait de rester.
    La plupart de ceux qui connaissent encore Gabriel Chevallier  vous citerons Clochemerle ce récit truculent, à consommer quand on a besoin de faire une cure de bonne humeur. Dans un registre plus acide on peut lire Sainte-Colline, dans lequel les affres du pensionnat sont cuisinées à l'humour corrosif.
    Cet auteur lyonnais à l'humeur rabelaisienne a pourtant écrit un brûlot, l'un des plus intéressants témoignages d'écrivain sur la guerre de 14, longtemps introuvable, La peur, qui, pour ceux qui sont passionnés par la grande guerre, constituera un excellent pendant aux incontournables de Dorgelès, Barbusse, Genevoix, Junger, Remarque.

lundi 11 mai 2015

L'ART : TAILLÉ EN PLEIN LARD ?

    Jésumarijosef, en ce moment ça taille à pleins bras dans les budgets de la culture ; même plus au rabot mais à la tronçonneuse. Et les zopos de nous chanter leur vieille rengaine : le théâtre ça coûte trop cher (mais pas les ronds-points), il ne faut pas favoriser les métiers de fainéants, l'Art c'est bien mais l'emploi
            l'équilibre budgétaire
               le sérieux dans la gestion... nous contraignent à des arbitrages !
    Eh bien, amis surfeurs, je pense tout le contraire (ce qui vous fait une belle jambe, je l'admets) : l'Art n'est pas facile ; il est nécessaire à l'humanité.
    Si un dessinateur de BD devait être payé à l'heure, au tarif d'un footballeur,  personne ne pourrait s'acheter un album.
    Les improvisations du gag debout (On dit stand up ? Ah bon...) laissent croire qu'on peut arriver sur une scène les mains dans les poches alors qu'un spectacle est souvent le fruit de plusieurs mois de travail, et sans machine à pointer... sachant que tout le temps consacré à l'élaboration est rétribué une misère, hormis exceptions notoires.
   Par exemple, un livre qui m'a coûté quatre ans et demi de travail -et que certains considèrent comme très honorable- m'a rapporté 220 euros dans l'année, de quoi payer un déplacement de mon plombier...
   Pourtant, si j'avais été, par malheur, nommé ministre de l'Education Nationale, j'aurais instauré (je ne sais pas pourquoi, mais tout à coup j'ai les poils de la moustache qui durcissent) une pratique artistique approfondie du primaire à la fin du collège, à raison de six heures par semaine, au moins. Théâtre, musique, écriture, peinture,... Des spécialités où les terroristes recrutent peu d'adeptes.
    Mais pas du bricolage, plutôt une pratique exigeante qui supposerait étude et travail avant le jeu.
    Pour beaucoup l'Art est de l'ordre du superflu,  mais quitte à choisir entre deux producteurs de vents, du trader ou de l'artiste, je préfère le second : au moins c'est du vent plein d'étoiles.
    Allez, je vais faire mon artiste sur mon morey. DMOS

   

samedi 9 mai 2015

PARTAGE

    Chers petits vampires, comme je vous fais très souvent cadeau de mes humeurs, j'ai décidé de me racheter (temporairement) en partageant avec vous un moment heureux.
    Aujourd'hui, onze heures du matin. Je pêche à la traîne sur mon kayak ; mer trop calme, chaleur qui monte. D'un coup je remonte une jolie oblade et dans le même instant une brise d'ouest, douce comme un souffle de jeune fille,  me rafraîchit, m'enveloppe, m'aère. Je regarde le poisson étincelant, le ciel bleu marbré des filaments de cirrus, et je respire le monde...
    Quelques minutes de bonheur.

vendredi 8 mai 2015

GUEULE DE CAFETIÈRE

    Parfois je me regarde dans un miroir et je vérifie que je n'ai pas une gueule de cafetière, parce que je suis souvent en ébullition.
    Tenez, deux petits bouillons qui viennent d'arriver à la surface de mon cerveau : quand je compare, parmi tous ceux que je connais,  le nombre des gens sympathiques et paisibles avec celui des crapules et des tordus je me demande pourquoi le monde est si malheureux, si vilain. Ce matin, j'ai entendu à la radio une publicité du style " You miss me, de Stephen Goodguy, le livre qui a conquis l'Amérique" et j'ai rêvé d'un lancement identique pour mon prochain roman : "Dévastation, de Dan Matthew, le livre qui a conquis l'amer Rick". Ou, si j'ai une groupie nonagénaire et alcoolique : "Dévastation, de Daniel Mathieu, le livre qui a conquis la mère hic!"
    Voilà, c'était ma contribution à la déconfiture de la littérature française...

jeudi 7 mai 2015

J'HÉSITE : BADER ou BAD DAY ?

    Jésumarijosef, on ne peut donc jamais être tranquille ! Je regardais fumer le earl grey à la russe dans mon bol à moi personnel quand, enfer et déréliction, je fus sauvagement agressé par ma radio que j'avais allumée par inadvertance.
    Et qu'ouïs-je ? La voix, toute d'assurance savante, d'un spécialiste à côté duquel je ne suis qu'un cloporte ; les sentences économiques et les visions politiques se succédaient, péremptoires, et déjà le goût de mon thé s'altérait (ne cherchez pas le calembour ou la contrepèterie).
    Qui me direz-vous ? Je n'ai pas bien retenu son nom ; Malin Mince... ou Minque, il me semble. Vous savez, un monsieur qui est conseiller politique, économiste, essayiste et dirigeant d'entreprise. A côté de lui j'ai l'impression d'être nu (je me réconforte mesquinement en me disant que je suis beaucoup plus musclé, notamment des quadriceps et des pectoraux). Dire que nous n'avons que deux ans de différence. Tant d'intelligence pour autant d'erreurs mémorables...
    Voilà, j'étais énervé.
    Je bus alors une gorgée de thé tiède, qui n'avait pas la suavité d'une tétée, et entendant parler de l'aéroport de Notre-Dame-des-Landes je concentrai ma colère sur ce thème -en quelque sorte, une ire à cibles-, me remémorant le projet du même type (jurassic project) de Ciudad Real.
    Je décidai alors de réchauffer mon thé et mon ire ; dès que le liquide fut à même de me brûler la gueule j'allai me vautrer devant l'ordi et ranimai ma mémoire défaillante (on n'a pas si bien écrit depuis Guy Des Cars).
    Résultat : aéroport de Ciudad Real, ouvert en 2008 et fermé en 2012 ; financé à 100%  par le secteur privé ; situé à une heure de TGV de  Madrid et de la côte andalouse ; d'un coût de 1,1 milliard, il était en vente à 100 millions (je n'ai pas trouvé de nouvelles fraîches sur son acquisition mais les acheteurs n'ont pas dû se bousculer au portillon).
    Voilà comment -ô fatal petit déjeuner- un paisible muesli aux fruits se transforma en raisins de la colère : l'aéroport nantais relève de la même démesure et je me demande toujours ce qui, chez les hopos*, l'emporte de l'art du mensonge ou de l'aveuglement...
    Sur ce, je parvins à rétablir mon humeur en me livrant à un suicide diététique : une tartine de pain-beurre-miel !
    Allez, je prends mon morey et je me casse. DMOS

*J'hésite, pour cette contraction, entre les hopos et les zopos. Si mes petits vampires lecteurs veulent bien laisser leur avis sur le sujet, je suis preneur.
   

vendredi 1 mai 2015

ANNEXES



                                                                   ANNEXE 1

               J’ai titré ce pamphlet LA REPUBLIQUE DES JOBASTRONS parce que comme moi, vous êtes des jobastrons, des gens qui croient au père Noël libéral : quand l’entreprise Monsanto dit que les molécules d’un insecticide disparaissent en arrivant sur le sol, nous la croyons ; quand des « spécialistes » nous expliquent qu’on retraite le mercure et le cyanure utilisés pour l’extraction de l’or –ou l’acide sulfurique et la soude pour l’uranium- nous nous rassurons ; quand un aménageur rase une pinède pour édifier une technopole « respectueuse de l’environnement » nous l’écoutons bouche bée.
               Nous gobons tout ce que ces messieurs qui dirigent le monde et savent tout sur tout assènent sans se troubler. Quelle que soit la dimension de leurs erreurs, rien ne semble les troubler, les décontenancer : nuage de Tchernobyl ; assèchement de la mer d’Aral, en cinquante-quatre ans, de 66458 à 3300 km2 ; les douze POP –polluants organiques persistants- qui truffent des produits laitiers, des viandes, des poissons, des crustacés… et le bateau de la suffisance décidoriale vogue, imperturbablement.

                                                                 ANNEXE 2

               Si, d’aventure, mes textes sont lus par quelques uns et atteignent par miracle la sphère médiatique qui flotte dans nos cieux comme un astre omnipotent, je me propose de fournir à d’éventuels contradicteurs le matériau d’objections bien senties. Voici quelques termes qui, jetés à ma face indigne d’écolo-anarchiste, seront du meilleur effet : immobiliste, passéiste, nostalgique d’une France disparue, anti-progressiste, irréaliste, idéologie dangereuse, déphasé par rapport  à la réalité économique, illusionnisme, déclaration de guerre à l’entreprise, doux rêveur, hurluberlu, candide, utopiste.








POUR AIGUISER VOTRE ESPRIT


TOINOU         Antoine Sylvère
LE DESERT DES DESERTS      Wilfried Thesiger
L’ETE GREC       Jacques Lacarrière
LE CHEVAL D’ORGUEIL     Pierre-Jakez Hélias
UN VILLAGE D’AUTREFOIS    Mahmout Makal
SOLEIL HOPI    Don C. Talayesva
LES DERNIERS ROIS DE THULE   Jean Malaurie
TRISTES TROPIQUES     Claude Lévi-Strauss
     Les pionniers :
LE PRINTEMPS SILENCIEUX (1962)      Rachel Carson
AVANT QUE NATURE MEURE (1964)     Jean Dorst
LA BOMBE P (1969)        Paul Ehrlich
NOUS N’AVONS QU’UNE TERRE (1971)    René Dubos et Barbara Ward
HALTE A LA CROISSANCE (1972)           Club de Rome  quasi introuvable
L’UTOPIE OU LA MORT (1973)             René Dumont

    Les aiguillons :
ARCHITECTURE SANS ARCHITECTE     Bernard   Rudofsky
LA FABRICATION DU CONSENTEMENT    Noam Chomsky
HISTOIRE DU PAYSAGE…  Jean Robert Pitte
L’HORIZON NEGATIF    Antoine Virilio
 SUR LA TELEVISION, CONTRE-FEUX       Pierre Bourdieu
ENTROPIE        Jeremy Rifkin
LA SOCIETE DU SPECTACLE     Guy Debord
LE TRIOMPHE DE LA CUPIDITE     Joseph Stiglitz
L’ARGENT NOIR       Pierre Péan
LE ROUGE ET LE VERT      Boris Komarov

    A consommer sans modération :
Edgar Morin, Michel Serres, Jean-Marie Pelt, Théodore Monod, Hubert Reeves, Albert Jacquart

    Pour le plaisir du furetage :
Ivan Illich, André Gorz (à lire absolument « Lettre à D. Histoire d’un amour), Yves Luginbuhl (surtout Paysages)