IV LES DOGMES SACRES
J’entends par
dogme toute opinion donnée comme une certitude absolue ; c’est dans ce
bois qu’on taille les religions et les
politiques.
Brandi comme une
massue pour écraser tout esprit rebelle, le dogme, même s’il est bâti à
l’origine sur une pensée discutable, possède une telle force que peu de
gens osent le remettre en question,
alors même qu’il deviendrait nocif.
Il y en a trois
auxquels j’aimerais faire un sort.
*DOGME DE LA NATALITE
Quand Jésus a dit –aurait dit-
« Croissez et multipliez », la population de la Terre devait
approcher le total de nos quatre plus grandes villes actuelles. Vingt siècles
plus tard le même slogan fait toujours recette malgré des dérèglements
évidents. Je n’ai pas inventé le mot « popullution », et pourtant…
Quand les
générations des baby-booms chinois et arabe vont arriver à l’âge de la retraite
–dans pas si longtemps-, que va-t-il se passer ? Mes prévisions ? Action numéro un :
un coup d’accélérateur sur les naissances pour atteindre le quota idéal de
quatre actifs pour un retraité (je ne vous parle pas du problème 40 ou 50 ans
après). Action numéro deux : puisque l’espérance de vie progresse –un
doute m’effleure- je crains qu’il faille repousser l’âge de la retraite à 75
ans.
J’avais à peine
vingt ans que ce problème me tarabustait déjà : il faut dire que j’étais
un jeune con qui se posait des questions « à la con » comme disaient
les beaufs des années 70.
Autre question que
je me posais et qui n’a pas pris une ride –peut-être quelques kilos- :
nous sommes de plus en plus nombreux sur une planète qui a la sottise de ne pas
s’agrandir ; sachant qu’il n’y a guère que soixante ans que le mouvement
démographique s’est emballé, au rythme actuel, qu’en sera-t-il dans un
demi-siècle ?
Quant aux effets
négatifs de la surpopulation, en voici quelques uns ; à vous de juger
s’ils justifient un statu quo démographique :
-disparition des terres arables
-surdensité, donc stress, agressivité,…
-dénaturation des paysages
-conurbations sans espaces tampons (Japon, Chine, USA,
Europe)
-villes peuplées comme un pays (le grand Tokyo= 38 millions
d’habitants)
Prise sur la
campagne, une maison en plus c’est des animaux en moins [insectes, oiseaux,
rongeurs] ; qu’en diriez-vous si vous étiez une de ces bêtes ?
Et quand j’en
entends se pâmer sur les villes-monde je redoute le jour où le monde sera une
ville.
*DOGME DE LA CROISSANCE
De quelles volées
de bois vert ont été rossés les altermondialistes quand ils ont parlé de
croissance zéro et pourtant il semble évident que nous sommes devant une
impasse. Outre les fameuses pannes de croissance -de plus en plus fréquentes et
longues- il est clair, même pour un enfant de dix ans, que le prix à payer pour
maintenir ce dogme à son zénith sera exorbitant (mais ce ne sera pas nous qui
règlerons la note).
Dans un monde en
route vers huit, puis neuf milliards d’habitants, la croissance continue
suppose des prélèvements « à blanc » sur les richesses de la
planète : démentez-moi si vous le pouvez !
Croyez-vous, par
exemple, que granulat et ciment se reproduisent spontanément ou faut-il
envisager pour leur extraction d’araser quelques reliefs, chez le voisin si
possible ? D’après vous, que reste-t-il d’un paysage quand tout le schiste
bitumineux en a été extrait ?
Enfin, c’est au
dogme de la croissance perpétuelle que
nous devons tous les dommages collatéraux que solderont nos descendants
(produits chimiques dans les sols, dépôts de matières nucléaires, stocks de
poissons proches de l’épuisement,…).
La décroissance
est-elle souhaitable ? Une autre croissance est-elle possible ? Ça, c’est un autre problème parce que ceux
qui profitent le plus de ce dogme se sont rencognés dans une niche inexpugnable,
comme un crabe dans son trou de roche quand il nous a aperçu, et ils ne sont
pas près d’en sortir, le monde dût-il s’écrouler autour d’eux.
*DOGME DE LA VITESSE
Mais qui a dit que
tout devait se faire rapidement ? A quoi me sert d’accélérer, si ce n’est
d’aller plus vite à ma fin ? Quel est le dolichocéphale qui a fait rimer
temps et argent, auquel d’autres ont rajouté business et vitesse, rapidité et
rentabilité, vélocité et efficacité ?
Cette maladie du
chrono, du score et du record, a gangréné toutes les sociétés -mais pas tous
les individus- : des JO sans records du monde, ni chiffres historiques de
spectateurs ou de sommes investies, rapetissent à vue d’œil ; ne pas améliorer le temps de déplacement
d’une ville de province vers la capitale sonne comme une indignité
nationale ; la communication à la nanoseconde nous paraîtra un jour d’une
insupportable lenteur.
Je ne sais pas où
se situe le paroxysme de cette « dromomanie » (je sais, j’avais
promis de surveiller mon vocabulaire, mais je n’ai pas pu tenir) pourtant j’en
vois aussi clairement les effets pervers que j’ai peine à en discerner tous les
bénéfices. Certes, je communique et je m’informe plus rapidement, des produits
me parviennent dans un temps raisonnable, je peux rejoindre mon cousin de San
Francisco en une journée, néanmoins le revers de cette accélération constante
c’est :
-une intrusion de la vie professionnelle dans la vie privée,
la fluidité de la communication aboutissant au travail à domicile non rémunéré,
via internet.
-un esclavagisme (pour l’instant) rampant : produire
plus, en moins de temps et en diminuant le personnel.
-l’ouverture à la délocalisation : si les chaussures
chinoises devaient faire un mois de bateau à voile sous les coups de tabac et
les attaques de flibustiers elles seraient encore fabriquées en France !
-l’obsolescence perverse : seule une usure précoce peut
assurer un renouvellement rentable des produits.
-l’anticipation mortifère : il est vrai que, dans une
certaine mesure, anticiper c’est se donner une prise sur les évènements (dans
ce cas pourquoi ne s’alarme-t-on pas de ce que sera notre monde au siècle
prochain ?) mais cette maladie d’avoir un temps d’avance devient presque
monomaniaque. J’ai tout faux ? Bien. Lisez les publicités de votre boîte
aux lettres : on vous vend les cartables de la rentrée fin juin, les
cadeaux de Noël fin octobre, les chocolats de Pâques en plein février. Des Jeux
Olympiques sont à peine finis qu’on nous inonde des suivants, même à huit ou
douze ans de distance. Déjà que la vie a tendance à passer vite…
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