Amis sportifs, je suis le seul intellectuel 50% sportif;
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amis, jeunes ou vieux, qui ne voulez pas mourir idiots, venez me rendre une petite visite de temps en temps.

vendredi 27 mai 2016

TROIS FRUITS DE MAI (récolte médiocre)

    Pour moi le droit du sol ne veut rien dire ; les seuls qui peuvent se réclamer d'une terre, d'un pays, sont ceux qui l'aiment passionnément. On n'habite pas un pays comme une chambre d'hôtel ; il faut le mériter car, comme la planète, il ne nous appartient pas. Le lien qui nous attache à lui c'est le parfum des paysages, les chants de la langue, les trésors des générations ; si je rejette tout cela ou décide de me tenir dans une forme d'indifférence, je ne lui rends pas justice. Que j'y sois né ou venu, clair ou sombre de peau, c'est le droit du coeur qui fait que je suis Français... et pas du tout honteux de l'être en dépit de ses défauts.

    J'ai vu les photos d'un skate parc installé dans une église espagnole ; à quand une salle de squash dans une synagogue, un centre commercial dans une mosquée ?

    La modernité : le plus gros mensonge de l'humanité ou une machine à créer du rien ?

jeudi 26 mai 2016

OBUS DANS MON MUR

    Jésumarijosef, comme mon ami fessebouquien, Philippe Bertrand, je reçois moult invitations de jeunes femmes pulpeuses dont les appas feraient tressaillir un paralytique à l'agonie.
    Si j'avais un soupçon de vanité je penserais que c'est ma qualité d'écrivain qui les attire, ou mon physique de rêve (qui fait craquer toutes les octogénaires du Pradet) mais bernique ! En réalité, soit il s'agit d'un malhonnête qui essaie de me crocheter en utilisant l'image d'une jeune imprudente, soit c'est une jeune imprudente qui s'amuse à titiller le vieux mâle, histoire de voir si l'époque du rut à pépé est vraiment passée.
    La dernière sollicitation que j'ai reçue émane d'une Linda Mercier alias coeur tendre (ça, c'est de l'appât pour vieux poisson). Comme nous ne nous connaissons ni d'Eve, ni d'Adam, un soupçon m'étreint quant aux intentions de l'accorte demoiselle.
    D'autant que l'impétrante, bien que fréquentant l'université de Monaco -que j'admets assez mal connaître- et pratiquant quatre langues, exerce l'honorable mais inattendu métier de caissière dans un supermarché (un doute me chatouille).
    Finalement, je décide de ne pas donner suite, en dépit d'un dernier coup d'oeil respectueux sur les deux obus de 75 qui tendent un tissu  extra-fin. Force m'est de reconnaître que le tableau est charmant dans la mesure où un loulou de Poméranie disparaît presque (niché dans les nichons*) dans le décolleté macrotétinoïdal ; et mes excuses à la charmante Linda si elle est vraiment une jeune fille qui souhaite correspondre avec un vieil écrivain...
   Allez, je prends mon morey et je me casse. DMOS

*Imaginez que ce fût un caniche...

mercredi 25 mai 2016

TROUYOYO (à zéro)

    Jésumarijosef, quel bonheur d'entendre  pérorer les spécialistes du trouyoyo ! Combien de fois ai-je remarqué chez les économistes et les zopos "sérieux", en filigrane de leur communication, un vocabulaire qui recherche l'intimidation, la culpabilisation.
    Évidemment ce n'est pas d'hier que l'inquiétude sert à la gestion des réclamations ; déjà au paléolithique, quand un gars râlait dans la grotte à propos des trop longues journées de chasse par -10°, le chef lui exposait que ses récriminations, outre qu'elles nuisaient à certaines catégories d'usagers du groupe, risquaient de lui valoir un coup de massue qui lui ratatinerait la gueule (et le ramènerait à une plus juste appréciation des choses).
    Disons que le problème c'est que les économistes sont capables de prévoir l'avenir comme les théologiens sont à même de prévoir la prochaine apparition de Jésus.
    Hélas, je suis agnostique en économie ! Ce n'est pas faute d'avoir lu les textes saints : en ce domaine je suis allé bien plus loin que vous ne pourrez jamais l'imaginer. En effet, j'ai un jour emprunté à la bibliothèque un livre de Jean-Marc Sylvestre, grand sachem honoris economica ; l'ayant refermé, tout frais émoulu de cette docte parole, je m'apprêtais à propager ces beaux articles de foi lorsque le petit démon qui campe sous mon crâne me dit d'aller vérifier la réalisation des préceptes et auspices* de l'éminent spécialiste.
    Et là, patatras ! Une conjoncture cruelle avait jeté à bas tout le bel édifice, toutes les anticipations, toutes les vérités. Depuis j'erre dans un scepticisme lamentable, convaincu que toutes nos certitudes sont bâties sur le sable et résolu à ne plus jamais me sentir indigne de protester.
    Voilà pourquoi je ne lis ou n'écoute plus que les hérétiques, les schismatiques et les apostats (Rifkin, Larrouturou, Stiglitz, Piketty, les économistes atterrés, voire même un Viveret ou, les jours de grande déprime, un Chouard).
    Je pousse même la perversité jusqu'à penser que la valeur financière d'un homme n'est rien, ce pourquoi je resterai pauvre de bourse mais riche de toutes les valeurs humaines que j'ai rencontrées et de celles que j'espère encore trouver sur mon chemin.
    Ceci dit, je ne cracherai pas sur quelque pécune pour m'acheter un nouveau morey. En attendant, je prends ma vieille planche et je me casse.DMOS


* Ne pas confondre les prédictions de la servante (auspices de bonne) et les bénédictions viticoles (hospices de Beaune).

mardi 24 mai 2016

SALADE NIÇOISE (un vrai mesclun)

    Jésumarijosef, la dégustation, ces derniers jours, de rougets en papillotes et de tentacules d'encornets à la niçoise a suffi pour m'attendrir comme un escalope sous le pilon du boucher.
    Ce matin, j'ai presque senti quelque chose de guilleret dans l'air et un soupçon de foi dans l'humanité m'a envahi pendant deux minutes et vingt-cinq secondes, le temps qui a séparé l'énoncé de deux nouvelles : 1 un président écologiste en Autriche (sourire béat), 2 après l'Assemblée, le Sénat refuse l'interdiction du chalutage en eaux profondes (remontées de boules et bile -je sais, celle-là je l'ai déjà faite).
    Ce nonobstant, mon humeur reste globalement enjouée et primesautière car j'aurais eu le bonheur de connaître quelques joies inespérées dans mon existence : la victoire de l'OM en coupe d'Europe, la mise en examen des Balkany, l'élection d'un écrivain (Vaclav Havel, loin d'avoir été le plus mauvais) et d'un écolo à la tête d'une nation. Après cela je peux mourir un peu apaisé, disons, au milieu d'un rêve érotique le lendemain de mon centième anniversaire...
    J'ai parfois l'esprit d'une lenteur stupéfiante : je n'ai réalisé qu'hier que faitcebouc, touiteur et compagnie n'étaient en fait que les succédanés des bons vieux commérages d'antan, à cette différence prêt qu'on peut les agrémenter d'images, ce qui améliore notablement leur caractère ignominieux.
    Pour passer du coq à l'âne, j'ai, je ne sais pourquoi, une pensée pour les "voix chères qui se sont tues " comme disait Verlaine : Brahic, (Jim) Harrison, Eco, Decaux Galabru. J'ai l'impression de les entendre ; une sorte de persistance auditive... Mais déjà mon ouïe frétille au premier blues du nouvel album de maître Clapton, alors je prends mon morey et je me casse avec mon baladeur. DMOS

mercredi 18 mai 2016

LE RETOUR DE DMOS

    Jésumarijosef, je viens d'écrire un roman en quatre mois ! Je suis comme la poulette qui vient de pondre son premier oeuf. Certes ce n'est pas ma première ponte et il y a encore du travail de polissage mais l'émerveillement crétinique doit être le même ; enfin, ça me passera, surtout quand j'aurai reçu les réponses des éditeurs que j'ai sollicités...
    Dans le registre de la sidération béate je dois admettre que je m'étonne encore qu'un humain -donc un mec comme moi- puisse se lever le matin pour avaler son petit déjeuner, embrasser ses enfants et sa femme, et partir à la fabrique de mines anti-personnel sans être déchiré par l'idée qu'un bambin quelque part dans le monde perdra une jambe sur la bombe à sous-munitions qu'il lui a amoureusement concoctée. Vous noterez que ce brave homme est américain, russe, chinois, coréen, israélien ou émirien... Et qu'il ne se pose jamais cette question : et si c'était mon gosse qui sautait sur cette saloperie, ce matin, sur le chemin de l'école ?
    Puisqu'on en est au chapitre des mines je constate que le mammouth Mon sang tôt est loin d'être abattu et va continuer à semer ses bombes à retardement : une étude sur l'innocuité des OGM, une probable autorisation d'emploi du glyphosate pour sept ans et le monstre reprend du poil de la bête. Il est à noter que les autorités européennes, pour nous rassurer, ont limité l'usage de ce poison à "des fins professionnelles" ; c'est là que je frémis car si le roundup est une arme inquiétante dans les mains du jardinier amateur qui assassine le chiendent entre les dalles de sa terrasse, que dire du professionnel qui va bombarder ses cultures dont nous consommerons tantôt les fruits !
    Je ne voudrais pas être cause de quelques suicides -d'autant que je perdrais des lecteurs, pas si nombreux pour l'heure- mais il faut réaliser que les mines anti-personnel produites par la chimie jonchent notre monde et que nos arrière-petits-enfants vont s'en voir pour les désamorcer ; j'imagine qu'ils nous béniront ainsi que les Bayermonsantodowchemicaldupontdenemours...
    Allez, j'ai décidé de reprendre mon bodyboard (saint Finkielkraut, pardonne-moi cet anglicisme !) alors je prends mon morey et je me casse. DMOS

mercredi 4 mai 2016

AVRIL SEMAINE 3 ET 4

    Chers petits vampires lecteurs, j'entends déjà vos récriminations : un article pour deux semaines, quel toupet, quelle désinvolture quelle effronterie ! Que voulez-vous, j'ai donné la priorité à l'achèvement de la suite (et fin, je pense) de Hier, la Terre. Et n'allez pas imaginer que je vais reprendre une production régulière de mes billets, car je file tout de go vérifier si Rome est toujours une des plus belles villes du monde ; alors, pour les petites conneries mathieusiennes multi-hebdomadaires, bernique !


    En contemplant le déroulé (après le roulé au chocolat, le déroulé aux chocs, holà !) de cette quinzaine une expression me vient à l'esprit : la foire d'empoigne, à prendre dans tous ses sens.

    Foire d'empoigne des instances européennes manipulées par les lobbyistes, infiltrées par les barracudas ( Juncker nageant dans le Luxleaks, Draghi ancien de Goldman Sachs, Cañete alias M. Pétrole chargé de l'énergie et de l'environnement,...).
    Foire d'empoigne d'une société qui va bien devoir digérer ses incongruités : un joueur professionnel de jeux électroniques -qui ne produit rien- va gagner trois mille euros mensuels pendant que des paysans triment comme des malades pour en dégager péniblement mille ; les professeurs des écoles vont toucher un pactole de huit cents euros annuels quand un conseil d'administration vote sept millions deux de revenus à monsieur Carlos Ghosn.
    Foire d'empoigne du monde footballistique où une "mission" de trois ans se paie 1,8 millions, où les transferts de joueurs permettent de capter des miettes de 55,3 millions*, où la mégalomanie pousse à créer sans cesse de nouveaux stades [Lyon, Nice], de nouveaux centres [PSG] au mépris de l'environnement, des agriculteurs et des lieux historiques.
    Ceci dit, quand on considère la vie des manants au moyen-âge et celle des esclaves noirs au 18/19ème siècles, on peut considérer que nous sommes en progrès... Encore quelques millénaires et le monde approchera de la perfection.


* Je ne sais pas pourquoi mais à ce moment de mon article j'ai eu comme un vertige.

lundi 18 avril 2016

AVRIL, SEMAINE 2

    Chers petits vampires, quelle jolie semaine nous venons de passer !
    J'ai d'abord remarqué le très élégant bal des faux-culs ; en effet après la bioparade de la COP 21 -dont chacun sait tout le bien que j'en ai pensé, les députés européens et le conseil d'État viennent de nous ramener à la réalité : les premiers ont accordé un sursis de sept ans au roundup, les seconds ont annulé l'interdiction des maïs OGM de Monsanto.
    Après cela, étonnez-vous que les écologistes et la fédération des agriculteurs bio aient démissionné  du Haut Conseil des Biotechnologies ! En revanche, il paraît que le PDG de Monsanto, agnostique en la matière depuis l'âge de neuf ans, s'est remis à croire au père Noël...
    J'ai également noté, au chapitre des bonnes nouvelles, que le Cambodge venait d'annoncer l'extinction officielle du tigre dans ses contrées, mais les pesticides et les OGM n'y sont pour rien ; ce seraient plutôt les bras-cons-niais et les déforesteurs. Il est question de réintroduction, mais, comme en amour, l'opération n'est jamais assurée du succès (je vais poster derechef cette intéressante question sur le mur de Nabilla).
     Pour clore joyeusement le chapitre extinction j'aurai une pensée pour la dernière aborigène de Tasmanie, tuée en 1876, et selon les dires d'Élisée Reclus, le géographe, "comme une guenon dans le branchage où elle s'était réfugiée" malgré ses soixante-quinze ans. Je ferais bien un peu de lobbying pour qu'on institue une journée de la dernière Tasmanienne mais je crains d'avoir du mal à séduire les eurodéputés...
    Enfin, j'ai eu le bonheur de consolider mon analyse de l'une des techniques des zopos : le trouillomètre. Il n'y a pas comme une bonne dose de sansmoilechaos ou de lafrancetobordugoufr pour remettre au pas l'électeur récalcitrant. Dans leur jeunesse ils ont sans doute joué au yoyo ; aujourd'hui ils jouent au trouyoyo !

mardi 12 avril 2016

AVRIL, SEMAINE 1

    Chers petits vampires lecteurs, la rédaction de la suite de Hier, la Terre avance bien mais pompe toute mon énergie ; pour autant mes éructations bloguistiques me manquent ainsi que la délicieuse sensation de vos quenottes dévorant ma prose. Aussi vais-je essayer, tous les six à huit jours, de rédiger un billet sur ce qui m'a frappé -et j'ai encore les bleus- dans la semaine précédente.


    Voilà, j'ai encore perdu un ami : Jim Harrison a cassé sa pipe, lui qui en avait la gueule. Je ne l'ai jamais rencontré mais quelques lignes de lui suffisaient pour que je retrouve nos affinités intactes, comme lorsqu'on retrouve un vieux copain. J'aime les écrivains qui restent des hommes, ceux qui gardent une épaisseur malgré ce travail d'écriture qui se nourrit de notre substance et peut finir par nous rendre inconsistants. Tristesse de voir filer Jim mais bonheur de voir un autre ami (nous nous sommes vus une fois, c'est déjà mieux) passer à la grande librairie : René Frégni n'a pas fait le show, il a simplement été lui-même et c'était épatant.
    Ma gueule de cafetière a encore bouilli à la nouvelle de la loi scélérate initiée par Bruno Le Roux. Selon le principe que plus on est gros plus on a besoin de se nourrir (ou plus on a forniqué moins on voudrait voir les autres se donner du bon temps) les zopos viennent de serrer le kiki à tous les électrons libres qui voudraient faire entendre leur voix. Les fins linguistes auront apprécié la formule, cette loi ayant pour but "d'assouplir la règle d'égalité stricte". Voici, donc, l'égalité débraillée.Ce ne serait pas un déni de démocratie, j'en rirais. A noter la distinction byzantine entre égalité et équité qui nous prouve que nos zopos, outre leurs qualités morales et leur habileté gestionnaire, sont aussi des philosophes.
    A peine remis de cette bouffée de chats-leurre * (ou rats-leurre, c'est comme vous voulez) j'ai pris en pleine poire deux nouvelles successives en regardant, par inadvertance, le journal télévisé (oui, Seigneur, j'ai péché et j'ai subi ton juste chat-y-ment), ce qui m'arrive très rarement : l'addition de ces deux informations constituait une telle violence que j'ai dû aller jardiner pour me calmer.
    Alors que le journaliste venait d'annoncer les baisses du montant des retraites à venir, il a enchaîné sur les sommes hallucinantes planquées en catimini au Panama par beaucoup de ceux qui nous donnent des leçons de probité à longueur d'année : il m'a fallu l'après-midi pour m'en remettre.
    Sans considérer l'a- ou l'immoralité de l'action, je n'arrive pas à avaler que tous nos donneurs de leçons puissent se goberger à ce point en douce. Tartuffe est un lamentable bricoleur à côté d'eux et j'ai l'impression que leur morgue est exactement proportionnelle à l'énormité de leur cynisme. Entre les rodomontades balkanyennes au conseil municipal de Levallois et les mensonges cahuzaquiens à l'assemblée, je ne sais lesquels utiliser comme vomitif pour ma prochaine indigestion.

*Je crois que je suis un peu rouillé du jeu de mots... Ceci dit ces chattemites de zopos ne cessent de nous leurrer.

samedi 12 mars 2016

DEUX VIOLETTES DE MARS

    Chers petits vampires lecteurs, je vous avais prévenus : l'immersion dans un roman est un voyage, donc une absence. Voilà  pourquoi mon blog reste muet. Cependant mon affection inconsidérée pour vous me pousse à vous offrir deux petites pensées pré-printanières, primevères cérébrales, aphorismes sans euphorie.

    Il est de gens qui ne se consolent jamais de devoir un jour priver le monde de leur présence, mais le vent les emportera, comme les autres.

    J'imagine parfois notre société comme la salle d'un cocktail. Devant le plantureux buffet du monde chaque caractère s'affirme : ceux qui, s'étant jeté sur la nourriture, dévorent à belles dents tout en remplissant une assiette -voire un sac- puis font le gros dos pour défendre leur position et interdisent âprement l'accès aux plats ; ceux qui passent un bras au-dessus des premiers et attrapent des amuse-gueule, essayant d'utiliser leur membre chercheur comme un pied de biche pour dégager un espace entre les goinfres ; ceux du rang suivant qui guettent tout ce que les précédents lâcheraient au moment où ils repasseraient leur bras au-dessus des têtes des nantis ; enfin ceux qui contemplent les dos de tous les autres et captent de loin les mouvements masticatoires de la première ligne et les odeurs d'une nourriture à laquelle ils ne goûteront jamais.

vendredi 4 mars 2016

L'HOMME MICROBISÉ

     Je lutte sans cesse pour ne pas devenir un vieux pessimiste qui, voyant pointer la fin de son existence, se complaît à discerner dans toute nouveauté les prémices de la fin du monde et n'aperçoit dans toute innovation qu'une machine supplémentaire à précipiter la planète dans le gouffre de la décadence.
    En dépit, donc, de ma réticence à la jérémiade sénile et de ma nature positive,  je ne peux m'empêcher de redouter ce dont beaucoup font leurs délices : l'automatisation et la dématérialisation. Le motif de mon inquiétude : ces deux démarches prolongent et amplifient un processus déjà bien installé qui rapetisse l'homme ordinaire, n'épargnant que ceux qui le contrôlent ou en tirent profit.
   Je suis frappé par trois signes : le premier c'est le transhumanisme -pour moi une défaite de l'humanisme- qui tend à artificialiser l'homme dans l'idée de le rendre éternel. Perspective cauchemardesque de vivre à jamais dans un monde déréglé et abîmé, comme l'avait envisagé Barjavel dans La Nuit des temps.
    Le deuxième c'est la robotisation, qui substitue la machine à l'homme jusqu'aux moindres services et met à notre disposition des appareils à l'efficacité démesurée : ainsi, l'abatteuse Kesla 28RH de Finlandia vous transforme un arbre mature en grumes de 5 mètres en un temps record. En gros, vingt secondes pour "traiter" un végétal poussé en vingt ans ! Et un seul homme aux commandes de l'engin...
   Le dernier, c'est cette fascination malsaine pour l'intelligence artificielle ; certes, en composant ce texte je suis en train de l'utiliser, mais je ne suis pas son dévot, seulement son utilisateur.
    Le rêve de remplacer toute la piétaille humaine par une machine parfaite titille bien trop de gens ; nous avions eu une première alerte avec la défaite aux échecs de Kasparov face à l'ordinateur Deep blue en mai 1997. Un nouvel avertissement nous est donné avec la victoire de l'Alphago devant Fan Hui, le meilleur joueur européen de go.
    Pouvons-nous croire un seul instant que si Ah ma zone avait la possibilité d'acquérir des robots capables de conduire les chariots, de sélectionner les livres et d'assurer les envois, elle hésiterait longtemps avant de congédier les esclaves qu'elle emploie aujourd'hui ?